Carton  1348 n°19, CARAN, MAR/B/4/137

Lettre du Roi à l’amiral de France, le Comte d’Orvilliers (déclaration des hostilités)

10 juillet 1778 

Mon Cousin,

L’insulte faite à mon pavillon par une frégate du roi d’Angleterre envers une frégate la Belle Poule, la saisie faite par une escadre anglaise au mépris du droit des gens de mes frégates La Licorne et la Pallas, et de mon lougre le Coureur, la saisie en mer et la confiscation des navires appartenant à mes sujets, faites par l’Angleterre contre la foi des traités ; le trouble continuel et les dommages que cette puissance apporte au commerce de mon royaume et de mes colonies de l’Amérique, soit par des bâtiments de guerre, soit par des corsaires dont elle autorise et excite les dépravations : tous ces procédés injurieux et principalement l’insulte faite à mon pavillon, m’ont forcé de mettre un terme à la modération que je m’étais proposé, et ne permettent pas de suspendre plus longtemps les effets de mon ressentiment . La Dignité de ma couronne et la protection que je dois à mes sujets exigent que j’use enfin de représailles, que j’agisse hostilement contre l’angleterre et que mes vaisseaux attaquent et tachent de s’emparer ou de détruire tous les vaisseaux anglais, frégates ou autres bâtiments appartenant au Roi d’angleterre et qu’ils arrêtent et se saisissent pareillement de tous les navires marchands anglais dont ils pourront avoir l’occasion de s’emparer : je vous fais donc cette lettre pour vous dire qu’ayant ordonné en conséquence aux commandants de mes escadres et de mes ports, de prescrire aux capitaines de mes vaisseaux de courir sus à ceux du Roi d’angleterre, ainsi qu’aux navires appartenant à ses sujets, de s’en emparer et de les conduire dans les ports de mon royaume. Mon intention est qu’en représailles des prises faites sur mes sujets par les corsaires et les armateurs anglais, vous fassiez délivrer des commissions de courses à ceux de mes sujets qui en demanderont, et qui seront dans le cas d’en obtenir en proposant d’armer des navires de guerre avec des forces assez considérables pour ne pas compromettre les équipages qui seront employés sur ces bâtiments.

Je suis assuré de trouver dans la justice de ma cause, dans la valeur de mes officiers et des équipages de mes vaisseaux, dans l’amour de tous mes sujets les ressources que j’ai toujours éprouvé de leur prix, et je compte principalement sur la protection du Dieu des Armées ; et la présente n’étant pour autre fin, je prie Dieu, qu’il vous ait, mon Cousin, en sa sainte et digne garde.

 Ecrit à Versailles le 10 juillet 1778 

(Signé) Louis 

(et plus bas) de Sartine