Campagne américaine de 1781

 

    Le commandant de l’Hermione poursuit sa mission au service des Américains. Durant la bataille du Cap Henry, la frégate est là pour relayer les signaux et porter les ordres.

 

MahanCapeHenry

 

       Jeudi 1er mars

Les vents au N.E., joli frais. Dans la matinée, on a signalé deux voiles qui sont entrées dans l'après-midi. Ce sont deux corsaires américains, un venant de New London et l'autre de St Domingue en 18 jours. On a appris l'arrivée de la frégate du Roi l'Astrée de 40 canons, commandée par Mr de La Pérouse, capitaine de vaisseau, venant de France en 66 jours, chargé de dépêches de la Cour et d'argent pour l'armée.

 

 

Vendredi 16 mars: Bataille du Cap Henry

 

"A minuit et demi, le général a fait signal de virer vent devant, tous en même temps. A 1 heure, j'ai pris les amures sur bâbord, le cap au N.O, les vents à O.S.O. petit frais. A   2 heures, le Conquérant a un peu arrivé  pour rallier le général. J'ai suivi ses mouvements. Au jour, j'ai eu connaissance d'un bâtiment au vent que j'ai signalé au commandant. Peu après, l'ayant reconnu frégate, je l'ai signalé au commandant qui m'a fait celui de pincer le vent et de l'aller reconnaître. J'ai fait de la voile en conséquence. Peu après, l'ayant reconnu pour frégate ennemie, je l'ai signalé au commandant qui a fait signal à l’Eveillé de chasser.  A 7 heures, j'ai découvert sept voiles de l'arrière que j'ai signalé. L'Ardent a fait le même signal et y a ajouté celui d'une escadre. Le général a fait signal aux bâtiments chasseurs de rallier. L'Eveillé ayant exécuté  le signal, j'ai fait de même. Le général a fait signal à 8 heures, de se mettre en bataille, les amures sur bâbord. La frégate ennemie a viré de bord et a tiré plusieurs coups de canon de distance en distance, larguant ses écoutes de perroquet. Les vents qui s'étaient tenus jusqu'alors à Ouest et à O.N-O., ont passé au Nord et N.N-E, bon frais, le temps sombre et brumeux. Par ce  changement de vent, nous nous sommes trouvés au vent des ennemis que nous avons aperçu dans une éclaircie sous le vent, au nombre de 11 voiles dont huit vaisseaux à deux batteries et trois frégates seformant en ligne sur celle du plus près bâbord. A 8 heures 1 /4, notre ligne de bataille était presque formée. Le général a fait signal pour faire virer l'escadre vent devant par la contremarche. En donnant vent devant, la vergue du grand hunier de l'Ardent a cassé; le même accident est arrivé au vaisseau l'Eveillé. Ces deux bâtiments ont travaillé à réparer ce malheur. A 9 heures 1 /4, la ligne de bataille a été formée sur la  ligne du plus près tribord, le cap au N.O. 1 /4 N. A 10 heures, le général m'a fait signal de passer à poupe. J'ai arrivé sur lui. Il m'a dit qu'il n'avait pas d'ordre à me donner pour ce moment mais que je me tienne dans ses eaux. A 10 heures 1 /2, il a fait le signal de virer de bord vent devant par la contremarche mais le ventfraîchissant, il a annulé ce signal et a hissé celui de virer de bord lof pour lof par la contremarche. J'ai demandé la permission au général d'occuper pendant le combat, le poste de la Surveillante par son travers. Cette frégate ayant été chargée d'une commission particulière, il me l'a accordée. En conséquence, j'ai manœuvré pour rester par son travers au vent A 11 heures, la ligne de bataille s'est trouvée formée sur la ligne du plus près bâbord. A la même heure, l'Ardent a eu l'avarie de sa vergue réparée. A 11 heures 1 /4, le général a fait signal au Fantasque d'arriver vent arrière, ce vaisseau étant constamment tenu trop au vent. A 11 heures 1 /2, nous avons découvert une voile au vent que cru être la Surveillante. J'ai en  conséquence, mis mon numéro pour lui  faire connaître quelle place était la sienne,  mais ce bâtiment s'étant un peu rapproché,   j'ai reconnu au gréement que c'était une  frégate des ennemis qui a tenu le vent. Le  temps se soutenant très brumeux, je l'ai  bientôt perdue de vue. A 11 heures 3/4, le   général a fait signal de serrer la ligne et à  midi, celui de forcer de voiles à la seconde  division. A 1 heure 10 minutes, le général a  fait le signal de virer lof pour lof par la contremarche et au vaisseau de tête, d'arriver de quatre quarts, les ennemis étant sur le point d'atteindre notre arrière-garde. A l'exécution de notre manœuvre, ils ont fait porter, chaque vaisseau de leur ligne arrivant sur celui qui lui était opposé dans la nôtre. A 1 heure 35 minutes, le premier vaisseau de la ligne ennemie a fait feu sur le Conquérant,premier vaisseau de la nôtre qui lui a riposté avec vivacité. Le combat s'est successivement engagé dans toute la ligne, le feu très vif de part et d'autre. Le Conquérant a soutenu le feu de plusieurs  vaisseaux à la fois et a fait le plus beau feu.  A 1 heure 3/4, le général a fait signal au vaisseau de tête de tenir le vent. Le général s'est battu contre l'amiral anglais et le London de 98. Le combat a continué jusqu'à deux heures que le feu des Anglais a commencé à diminuer, ayant plusieurs de leurs vaisseaux désemparés, entre autres, l'amiral qui avait sa vergue de grand hunier coupée et toutes ses voiles à culer. Un de leurs vaisseaux est arrivé vent arrière, paraissant avoir beaucoup souffert. C'est celui qui a commencé le combat. A 2 heures 25 minutes, le général a fait signal d'arriver  lof pour lof et de se mettre en bataille sur la ligne du plus près bâbord, les vents au N.E. Ce mouvement a été exécuté avec autant de justesse que de promptitude et par cette  habile manœuvre, l'ordre a été rétabli au moment où la chaleur du combat et les  manœuvres forcées par celles des ennemis, avaient jeté un peu de confusion dans notre ligne, comme il y avait la plus grande dans la leur. Les ennemis s'étant rassemblés en pelotons, toutes leurs voiles sur le mât et dans le plus mauvais ordre, à 2 heures 3/4, le général a fait signal au vaisseau de tête d'augmenter de voiles. Il avait fait précédemment, celui de se mettre en bataille comme on se trouvait, sans avoir égaré à l'ordre de bataille ordinaire. A 3 heures, le Conquérant a fait signal que son gouvernail était endommagé au point de ne pouvoir se réparer à la mer et qu'il était hors d'état de continuer le combat A 4 heures, le général a fait signal d'arriver au S.E. il m'a donné ordre peu après, d'aller m'informer du Conquérant; quelles étaient ses avaries. J'ai   manœuvré pour aller parler à ce vaisseau qui s'est borné à me dire qu'elles étaient des plus considérables. J'ai vu en effet, les pompes de ce vaisseau jouer. J'ai rallié le général et lui ai rendu la réponse du Conquérant. Il m'a donné ordre d'aller m'informer de l'état du vaisseau l'Ardent. J'ai manœuvré pour cela et j'ai parlé à ce vaisseau   ainsi qu'à l'Eveillé et au Romulus pour connaître le détail des avaries de ces vaisseaux. J'ai arrivé sur le général pour lui rendre compte et je me suis remis à deux encablures par son travers, gouvernant au S.E, les vents au N.E bon frais, le temps pluvieux et très obscur.   Depuis hier, la route m'a valu l'Est 2° Nord. Chemin : ... Latitude estimée : 37° 21'. Longitude assurée : 77° 33', ce qui me met dans l'E. 1 /4 N.E du cap Charles, à la distance de 16 lieues, champ de bataille du combat. On a observé que la frégate que j'ai aperçue au vent a rallié son escadre pendant le combat et qu'ils étaient douze voiles dont huit vaisseaux de guerre. A la nuit, le commandant a allumé ses trois feux de poupe. Les chefs de la seconde et troisième   division en ont fait autant. Toute la nuit on a gouverné au S.E sous petites voiles."

 

Lundi 19 mars 1781

 

"Les vents de la partie de l'O.S.O petit frais, le temps beau, la mer belle. Au jour, j'ai eu  connaissance d'une voile de l'avant. Je l'ai signalée au commandant qui m'a ordonné  de chasser. L'Eveillé a reçu le même ordre. Nous avons mis l'un et l'autre, toutes voiles dehors gouvernant au N. 1 /4 N.O et N.N.O. A 11 heures, le vent fraîchissant au S.O, j'ai approché sensiblement ce bâtiment que j'ai reconnu à trois mâts. J'ai fait signal au général que j'avais espoir de joindre le bâtiment chassé. L'Eveillé a fait le même signal. ……….. A 2 heures 1/2,j'ai reconnu le bâtiment que je chassais pour un navire marchand anglais qui a arboré son pavillon. J'ai envoyé le mien et lui ayant tiré un coup de  canon de chasse, il a amené. J'ai envoyé mes canots à bord pour l'amariner, le vaisseau l'Eveillé étant fort de l'arrière. Ce bâtiment se nomme l'Union de 210 tonneaux, capitaine Libéral, venant des Bermudes, allant à New York chargé de mélasse, parti depuis neuf jours, montant douze canons et quelques pierriers, ayant 17 hommes d'équipage, neuf Américains prisonniers et quatre officiers anglais passagers, quatre soldats et trois femmes. L'Eveillé a mis en travers sous le vent à moi. Je lui ai rendu compte de la prise; il a envoyé un capitaine de prise et 10 hommes. Il m'a donné ordre d'y en envoyer sept ce que j'ai fait et l'amarinage de la prise étant fait, j'ai gouverné sur l'escadre que j'ai ralliée à 6 heures."

En juin 1781, les forces américaines et françaises se rejoignent à Phillipsburg. En juillet, Washington et Rochambeau constatent que le manque d'appui naval et de troupes empêche une attaque sérieuse contre les positions britanniques à New York.