Le Formidable

 Admiral Dumanoir de Pelley,

Capitaine J. Letellier

Vaisseau de 2e rang de 80 canons, de la classe Tonnant, d'après un dessin de Jacques-Noël Sané, lancé à Toulon en 1795, 55.5 mètres de long, 14.3 mètres de large et 7.2 mètres de creux, 920 hommes d'équipage, 30 canons de 36 livres, 32 de 24, 18 de 12, et  6 caronades de 36 livres.

C'est le navire du Vice Amiral Pierre Dumanoir le Pelley, à l’avant-garde avec le Scipion, le Duguay-Trouin, le Mont-Blanc, l'Intrépide et le Neptuno. Dumanoir ne répond pas immédiatement aux ordres de Villeneuve de revenir au combat. Quand il fait enfin demi-tour, c’est pour se retirer après n’avoir échangé que quelques tirs avec l’ennemi.

  

Il est 2 h. 30 m. P.M. et l’avant-garde de la flotte franco-espagnol commence seulement à virer de bord, en réponse au signal fait par le commandant en chef vers 1 h. 50 m. P.M. qui dit : " la flotte française engagée  sous le vent ou au vent ordonne aux navires qui ne sont pas encore engagés, de se porter le plus rapidement possible à l’action. "

Aucun effort n’est apparemment fait alors pour répondre de façon rapide à ce signal, et ceux qui sont les plus promptes à obéir sont gênés par le calme plat.

►Le Formidable, et un ou deux des autres navires emploient leur canots pour se remorquer. Cette manœuvre est lente, et imparfaite. Quand enfin les dix navires se retrouvent armure tribord, cinq d’entre eux restent au large comme si ils rejoignaient l’Amiral Gravina dans le but de fuir.

 Les cinq navires qui virent au vent sont le Formidable, commandé par le contre-amiral Dumanoir, le Duguay-Trouin, le Mont-Blanc, le Scipion, et l'espagnol Neptuno. Ils vont longer le théâtre de la bataille en échangeant quelques bordées avec les vaisseaux ennemis, sans jamais chercher à participer activement au combat en s'attaquant aux navires britanniques dont certains par leur état n’offriraient que peu de résistance, ayant peu ou pas de voile pour manœuvrer sous le vent, et se trouvant presque sur le chemin de l’escadron de M. Dumanoir. Parmi ceux-ci le Victory, le Téméraire, et le Royal-Sovereign sont les plus exposés.

 

 

►Les tirs des navires de M. Dumanoir va tuer deux des lieutenants du Conqueror. Le Lieutenant William M. St.-George, troisième lieutenant sur ce navire, alors qu’il passe à coté du Lieutenant Robert Lloyd, qui lui est premier lieutenant, lui tape joyeusement sur l’épaule, et lui dit sa joie de le voir se rapprocher de son épaulette de commandant. Juste comme le Lieutenant St.-George, ayant monté une ou deux marches, se tourne, dans le geste de sourire à son ami, un boulet lui enlève la tête et jette le premier à terre sans vie.

►En passant devant le Victory, l’escadron de Dumanoir échange à courte distance une bordée peu efficace. Pendant ce temps le Formidable est arrivé en travers du Téméraire qui s’efforce de se dégager du Fougueux, maintenant sur son travers arrière. Une ou deux bordées sont échangées entre le Téméraire et les navires au vent et le tir de ces derniers coupent les grand mat et mat d’artimon du Fougueux, et tuent quelque uns de ses hommes. Un tir enlève la jambe d’un aspirant du Téméraire, envoyé à bord du Redoutable pour assister le Lieutenant Wallace, et qui meurt le soir même, après avoir été amputé par le chirurgien français.

►Vers 3 h. 10 P.M., ayant serré le vent armure bâbord, le Minotaur et le Spartiate échangent des bordées avec le Formidable, le Duguay-Trouin, le Mont-Blanc, le Scipion, et le Neptuno beaucoup plus en arrière.

Lorsqu'ils parviennent par le travers et de la Santissima Trinidad et du Bucentaure, ils les trouvent rendus; cette circonstance détermine le contre-amiral Dumanoir à passer outre. II se dirige donc, en se maintenant toujours au vent, du côté de l’arrière-garde franco-espagnole dont quelques vaisseaux combattent encore. Arrivé à la hauteur de cette arrière-garde, l'amiral Dumanoir jugeant sans doute qu'il ne peut plus rien pour le salut de la flotte  combinée, continue sa route au même bord, pour s'éloigner du champ de bataille.

Les pertes sont de 22 morts et de 45 blessé, et le vaisseau n'est que faiblement endommagé.

La nuit qui suit le combat de Trafalgar est employée par ses vaisseaux à réparer les avaries qu'ils ont reçues. Le lendemain, il fait route à l'ouest et ensuite au nord. Le 2 novembre, étant arrivé par la latitude du cap Finistère, ses vaisseaux sont observés par deux frégates anglaises  appartenant à l’escadre du commodore sir Richard Strachan, qui croisait dans ces parages pour. intercepter l'escadre de Rochefort, alors à le mer, sous les ordres du capitaine Allemand. Sir Richard Strachan est bientôt sur leurs traces. Le  clair de lune empêche le contre-amiral de tromper l'ennemi à l'aide  de quelques fausses routes ;  et le 3 au matin les deux escadres sont en vue et a une distance beaucoup plus rapprochée que la veille. Toute la journée se passe en chasse, et la nuit suivante le clair de lune favorise encore l'ennemi dans sa poursuite.

Au point du jour, le 4, l'ennemi, fort de quatre vaisseaux et quatre frégates, n'est plus qu'à trois portées de canon des vaisseaux français. L’amiral Dumanoir a rangé ses vaisseaux  en ligne d'échiquier ( ordre dans lequel ils présentent tous la poupe aux ennemis qui les chassent ). A huit heures deux frégates commencent à les harceler, en leur tirant quelques coups de leurs pièces de chasse. Bientôt, la supériorité de leur marche leur permet de venir en travers de temps en temps , et de tirer à chaque fois une ou deux bordées entières sur les vaisseaux français, qui ne peuvent riposter que de leurs canons de retraire. Cette manœuvre, dont le résultat est d'endommager et de dégréer les vaisseaux français, dure jusqu'à onze heures et demie. A cette  heure cependant, le contre-amiral Dumanoir se décide à former sa ligne de bataille. Pendant ce temps, une troisième frégate a rejoint les deux autres, et a été suivie de près par trois vaisseaux de ligne. Ces six bâtiments attaquent la ligne française de manière a envelopper les deux derniers vaisseaux. Afin de ne pas laisser écraser sa queue, l'amiral Dumanoir  fait virer son escadre vent devant par la contremarche (successivement). Ce mouvement fait essuyer au Duguay-Trouin tout le feu des trois vaisseaux ennemis, qu'il prolonge à contre-bord, et le place un instant dans la même position où s'est trouvé le Scipion , mais le capitaine Touffet, après avoir dépassé les vaisseaux de ligne ennemis auxquels il a vigoureusement riposté, force les trois frégates a s'écarter. Elles laissent arriver pour prendre poste sous le vent de la ligne française, qui a achevé son évolution. Les trois vaisseaux ennemis virent alors pour s'établir au même bord que l'escadre française. Le Namur et la Révolutionnaire rallient dans ce moment leur escadre: le premier prend poste dans la ligne des vaisseaux et l'autre  va se placer dans celle des frégates. De la sorte, il s'établit un ordre régulier, dans lequel chaque vaisseau français se trouve avoir, un vaisseau ennemi au vent et une frégate sous le vent. Obligés ainsi de combattre des deux bords, les vaisseaux français se défendent avec la plus grande opiniâtreté. L’action se prolonge pendant quatre heures et demie ; mais se termine par la reddition des vaisseaux français. Le Formidable se rend le premier, le Scipion cède presque en même temps, le Mont-Blanc et le Duguay-Trouin succombent un quart d'heure après. Ces vaisseaux étaient dans l'état le plus déplorable, presque entièrement démâtés, et avaient de huit a neuf pieds d'eau dans la cale. Le Formidable eut plus de  200 hommes hors de combat, le Scipion un pareil nombre, le Mont-Blanc 180, et le Duguay-Trouin 150. Les Anglais ne portèrent leurs pertes qu'à 135 hommes tués ou blessés.

 

Au cours de la bataille de Trafalgar, aucune frégate n'avait tiré. Dans ce combat, les quatre frégates britanniques, trois d'entre elles en particulier, ont contribué de façon importante à la victoire. Un officier de l'un des vaisseaux de ligne, le Namur semble t'il, dans une lettre publiée le même jour que la version officielle, estime que le virement de bord des navires français a donné aux frégates la possibilité de prendre part à l'action. Les Français observent de leur coté que chacun de leurs navires, quand l'escadron a viré bâbord amure, s'est retrouvé assailli par un vaisseau de ligne au vent et une frégate sous le vent, ce qui plaçait cette dernière dans une situation difficile à tenir, mais relativement sûre. Ce qu'ont réellement fait les frégates se résument ainsi: le Phoenix a permis la découverte de l'escadron ennemi alors hors de vue de l'escadre anglaise. Cette frégate ensuite accompagnée de la Santa-Margarita a vaillamment combattu, et considérablement gêné le navire français le plus en arrière, ce qui a permis à Sir Richard  de les rattraper plus rapidement.  Lorsque l'escadre française a viré, la Santa-Margarita a du s'écarter, car elle a reçu un tir dangereux dans la soute et plusieurs autres dans son flanc tribord; les réparations ont pris deux heures. Mais la Santa-Margarita a alors habilement été remplacée par la Révolutionnaire, qui, avec le Phénix, a donné le coup de grâce au Scipion.  L'Æolus a échangé des tirs à courte distance avec les navires français qui passaient au vent, et s'est montré elle-même utile dans la prise de possession du Mont-Blanc après sa reddition au Cesar.

 

Les quatre vaisseaux français ramenés à Plymouth seront commissionnés dans la Navy, le Formidable sous le nom de HMS Brave , le Duguay Trouin sous le nom de HMS Implacable, et le Scipion et le Mont Blanc en conservant leur nom. Le HMS Brave sera désarmé et démonté en 1816.