Guerre de Sept Ans


     Par le traité de Paris de 1763, qui met fin à la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne reçoit de la France le Canada, la vallée de l'Ohio et la Louisiane à l'est du Mississippi. 

 Mais en 1765, la Grande-Bretagne demande aux colonies de participer à l'entretien des troupes britanniques par un impôt, le "Stam Act", alors qu'habituellement, ce sont les assemblées locales dans les colonies qui se chargent de voter l'impôt. Devant le refus des colons, la Grande Bretagne décide de l'abolir en 1766, mais dès l'année suivante instaure de nouvelles taxes, notamment sur le thé. En même temps, elle renforce ses troupes en garnison dans les colonies. Des incidents éclatent, dont le plus violent oppose soldats britanniques et colons dans les rues de Boston, faisant, le 5 mars 1770, cinq morts parmi ces derniers.  

 Après une accalmie de trois ans, le conflit reprend lorsque le gouvernement britannique décide, pour sauver la Compagnie des Indes orientales de la banqueroute, de détaxer le thé qu'elle vend. Devant cette concurrence déloyale, le 16 décembre 1773, cinquante patriotes déguisés en Indiens jettent par-dessus bord les ballots de thé d'un navire de la Compagnie, amarré dans le port de Boston. La "Boston tea party" incite Londres à renforcer son dispositif militaire. Lors du premier congrès continental, qui s'ouvre à Philadelphie, le 5 septembre 1774, les membres du congrès réaffirment le droit des colonies de légiférer en toute matière les concernant.  

 Cette intransigeance va conduire à la guerre. Le 18 avril 1775, des miliciens du Massachusetts attaquent une colonne britannique. En mars 1776, les Britanniques doivent évacuer la région de Boston, sous la pression de la milice commune aux treize colonies, sous le commandement de George Washington. Le 4 juillet 1776, le congrès, réuni à Philadelphie, adopte la Déclaration d'indépendance, considérée comme l'acte constitutif des Etats-Unis. Ce document consacre la rupture définitive avec la Grande-Bretagne. 

 


La signature de la déclaration d'indépendance, Tableau de John Trumbull

 

  La guerre d’indépendance américaine va opposer les insurgents, organisés en milices et en une armée commandé par George Washington aux Britanniques assistés de mercenaires hessiens.  En raison de l'éloignement, la Grande-Bretagne ne peut guère aligner plus de 45.000 hommes en même temps. Pour ce qui est des insurgents, l'armée régulière n'a jamais du compter plus de 8000 hommes, malgré les nombreux volontaires venus de tous les pays; le chiffre des miliciens est difficile à estimer.

  À partir de 1775, les Américains remportent quelques batailles (Lexington et Concord, siège de Boston, bataille de Trenton) mais essuient également des revers (bataille de Long Island). Beaumarchais, soutenu secrètement par Louis XVI, crée une compagnie "Roderigue et Hortalès" pour affréter des navires, et exporter plus de 20 000 fusils et 200 canons. Les années 1776 et 1777 sont difficiles pour les Américains. En août 1777, 15 000 soldats anglais sous les ordres de Howe débarquent sur la rive nord de la baie de la Chesapeake, affrontent victorieusement les troupes de Washington à Brandywine le 11 septembre, et s'emparent de Philadelphie.

Cependant, Howe a laissé Burgoyne, qui vient du Canada à la tête d'une colonne de 8000 hommes, isolé dans la région de l'Hudson. Les Insurgents l'encerclent et l'obligent à capituler à Saratoga, le 17 octobre. Succès décisif qui fait basculer la quasi-totalité des Américains dans la révolte. Louis XVI reconnaît l'indépendance le 17 décembre 1777, et signe deux traités le 6 février suivant. Le premier est un traité d'amitié et de commerce, le second scelle l'alliance des deux nations en cas de déclaration de guerre du Royaume-Uni.  


 

 

L'intervention de la France

se manifeste 

 tout d'abord  sur mer.

 

Dans la Manche, les anglais se montrent de plus en plus arrogants. Ils se donnent le droit de contrôler tout navire y transitant, quelquefois de façon plutôt brutale comme ce 19 mars 1778 où ils n'hésitent pas à faire injure au pavillon du Roi de France en tirant sur une de ses corvettes la Favorite.

Les hostilités sont ouvertes le 17 juin 1778, avec le combat de la Belle-Poule (Capitaine de La Clochetterie) contre la frégate anglaise HMS Arethuse et la saisie de deux frégates la Pallas et la Licorne ainsi que du lougre le Coureur par l'escadre de l'amiral Keppel.


 Tableau de Auguste Louis de Rossel de Cercy

A la suite de cet épisode, le Roi Louis XVI se résout à déclarer l'ouverture des hostilités.

Un mois plus tard, le 27 juillet 1778, l’escadre française du comte d’Orvilliers, composée de 27 vaisseaux rencontre les 30 navires de la division anglaise de Keppel. Dans la canonnade 6 vaisseaux anglais sont très endommagés. Mais quand le duc de Chartres amorce enfin sa manœuvre pour isoler une partie de l’escadre anglaise, il est trop tard. L’escadre anglaise rallie ses navires isolés, et s’échappe durant la nuit. Les Français regagnent Brest, comptant 163 morts, 517 blessés et plusieurs bâtiments endommagés.  


Combat d'Ouessant par T. Gudin, Musée de la Marine

"L'armée française était composée de 32 vaisseaux de ligne, divisés en 3 escadres. Le comte d'Orvilliers était a la tête de l'escadre blanche. Le comte Duchaffault, lieutenant général, commandait l'escadre blanche et bleue, et M. le duc de Chartres avait l'escadre bleue sous ses ordres.

    -Dès le 23 juillet, l'armée française eut connaissance des ennemis. Depuis cette époque on ne les perdit pas de vue jusqu'au 27, jour du combat.

    Le 27, à quatre heures du matin, l’armée anglaise restait a l’Est Nord-Est, quart d'Est, à deux lieues et demie de distance de l’armée du roi. Le comte d’Orvilliers, fit le signal de se rallier dans l’ordre de bataille naturel. Les anglais tenaient, ainsi que nous les armures à bâbord. Ils eurent le projet de tomber sur notre arrière-garde, et de prolonger leur ligne au même bord que nous. Pour s'opposer à ce dessein, le comte d’Orvilliers fit revirer toute l’armée ensemble, avec ordre de se former sur l'ordre de bataille renversé. Il prit sur l’armée ennemie, par cette manœuvre hardie, la position que son amiral voulait prendre sur l’armée du roi, qu’il fut forcé de prolonger en combattant à bord opposé. Le feu fut très vif pendant trois heures. Il commença par l'escadre bleue, qui formait l’avant-garde, et continua successivement dans toute la ligne, de manière que chaque vaisseau français donna sa bordée à un anglais, et reçut la sienne.

   Après cet engagement, l’armée du roi  a continué de poursuivre celle d’Angleterre pendant tout le reste de jour, et lui a toujours présenté le combat dans le meilleur ordre, mais l’amiral anglais l’a constamment refusé, et a profité de l’obscurité de la nuit pour faire retraite, en cachant soigneusement ses feux."

Source: Kerguelen, Y. J., Relation des évènements des guerres maritimes  entre la France et l'Angleterre depuis  1778 jusqu'en 1796, an IV de la République, Paris, Imprimerie de Patris, 1796.

  Dans le reste de l'Europe, la « ligue des neutres » refuse dans un premier temps de prendre parti. Puis, voyant la France tenir tête à la Royal Navy, les Espagnols en 1779 puis la Hollande en 1780, se rangent à son coté.  


              

Le 13 avril 1778, 

l'escadre du vice-amiral  comte d'Estaing 

 quitte Toulon à destination de l'Amérique; 

 elle comprend 12 vaisseaux et 4 frégates.

 

 

Vaisseaux

Frégates

Languedoc, 90 canons, 875 h, CV de Bougainville

Chimère, 30 canons, 507 h

Tonnant, 80 canons, 662 h

Engageante, 30 canons, 217 h

César, 74 canons, 555 h

Aimable, 141 h

Zélé, 74 canons, 514 h

Alcmène, 30 canons, 205 h

Hector, 74 canons

 

Marseillais, 74 canons, 731 h

 

Protecteur, 74 canons, 410 h

 

Guerrier, 74 canons, 346 h

 

Vaillant, 64 canons

 

Provence, 64 canons, 429 h

 

Fantasque, 64 canons, 462 h, CV Suffren

 

Sagittaire, 50 canons

 

  

Mouvements de l’escadre de d’Estaing

 

 Bataille de Sainte Lucie entre d'Estaing et Barrington, National Maritime Museum, Greenwich, London.

Année 1778

13/04 : Départ de Toulon avec 12 vaisseaux.

08/07 : Arrivée devant la baie Delaware.

08/08 : Arrivée à Rhodes Island. La flotte anglaise s'y saborde.

10/08 : D'Estaing face à l'Amiral Howe, mais une tempête disperse les flottes. Il part pour  Boston.

08/09 : Prise de la Dominique.

04/11 : Départ de Boston pour les Antilles.

06/12 : D'Estaing est à Fort Royal de la Martinique.

17/11 : Prise de l'île de Sainte Lucie par les Anglais.

18/12 : Échec de la tentative de reconquête de Sainte Lucie par D'Estaing.

  

 « Le comte d'Estaing , parti de Toulon  ( le 13 avril 1778) avec douze vaisseaux de ligne et quatre frégates n'arriva à l'embouchure de la Delaware ( le 8 juillet 1778) qu'après le départ de l'escadre anglaise. Elle s'était retirée à Sandy-Hook, près de New-York. L'amiral français l'y suivit. Mais n’ayant osé entreprendre de la forcer à son mouillage , parce que le Languedoc et le Tonnant tiraient trop d'eau pour pouvoir franchir les passes, il leva l'ancre, et alla de concert avec les Américains , devant Rhode-Island. Dès que le corps de troupes américaines qui avait pris poste auprès de Providence, eut effectué son débarquement dans cette île, le comte d'Estaing força le passage de New-Port, et entra dans la baie de Conanicut. A cette approche subite, les Anglais furent saisis d’une si grande frayeur, que sans examiner s'ils pourraient prolonger leur résistance, ils brûlèrent cinq frégates ( la Juno , la Flora, la Lark, l’Orpheus et le Cerberus, deux corvettes et plusieurs magasins.

Cependant l'amiral Howe, qui connaissait l'importance du poste de Rhode Island, faisait les préparatifs nécessaires pour y porter du secours. Quoique les forces navales qu’il avait rassemblées fussent inférieures à celles des Français , il ne désespérait pas de réussir dans cette entreprise. Il était informé de la station que le comte d'Estaing avait assignée à ses vaisseaux pour l'attaque de Rhode Island, & il n'ignorait pas que ce vice-amiral ne pouvait appareiller du mouillage qu'il avait pris , que par un vent de nord qui, durant le mois d'août, souffle rarement dans ces parages. Déjà même il avait jeté l'ancre à la hauteur de la pointe de Judith. Mais le vent ayant sauté au  nord l'amiral français en profita pour couper ses câbles, mettre à la voile et aller le combattre. Les deux escadres étaient en présence et manœuvraient , l’une pour engager, l'autre pour éviter le combat, lorsqu'un des plus terribles coups de vent qu'on eût essuyé dans ces parages s'élevant tout-à-coup, les dispersa après les avoir maltraitées. L'amiral anglais , qui avait porté son pavillon sur une frégate , afin de mieux diriger les opérations de son escadre, en fut séparé. Le Languedoc, que montait le comte d'Estaing perdit son gouvernail et tous ses mats. Quelques autres vaisseaux français furent considérablement endommagés dans leurs mâtures et leurs agrèts. Hors d'état de coopérer plus longtemps à la réduction de Rhode Island, en revenant reprendre son ancienne position devant cette île , l'escadre française se retira à Boston. Dès lors il ne resta plus aux Américains d'autre parti à prendre, que celui de s'occuper  sérieusement de leur retraite. Le Général Sullivan l'a fit exécuter en si bon ordre, que les Anglais ne purent l'entamer, ni dans les bagages, ni dans les munitions, ni dans son artillerie, quoique la majeure partie de ses troupes n'eût point encore vu le feu.

    Tels furent les événements de la campagne du comte d’Estaing sur les parages de l'Amérique septentrionale. La présence d'une escadre française y contint les anglais sur la défensive, rendit inutiles les efforts que la Grande-Bretagne avait faits cette année pour soumettre les Colonies, et donna un nouveau degré de confiance à leur indépendance. Si la traversée de l'amiral français eût été moins longue; il est très probable qu'il aurait surpris 1'escadre anglaise dans la Delaware, et qu'il l'aurait peut-être obligée de se rendre ou de se brûler. » 

Extrait de l’" Histoire de la dernière guerre entre l’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Espagne et la hollande, depuis son commencement en 1775 , jusqu’à sa fin en 1783." Edité en 1788, p 64. 

 

Année 1779

16/06 : Prise de l'île de Saint Vincent.

04/07 : Prise de l'île de Grenade.

06/07 : Combat contre l'escadre de l'Amiral Byron. 25 vaisseaux français contre 21 anglais.

Oct. : Échec du débarquement à Savannah en Virginie, avec 25 vaisseaux et 3000 hommes.

Déc. : Retour en France.

 N'ayant pu empêcher les Anglais de s'emparer en décembre de l'île de Sainte-Lucie, la marine française prend sa revanche en leur enlevant le 16 juin suivant l'île de Saint-Vincent. Peu après, avec l'appui des divisions de Vaudreuil, et de La Motte Piquet de Turpin, elle débarque à la Grenade et obtient la reddition de lord Macartney. Le 6 juillet. L’amiral d’Estaing repousse la tentative de reconquête de l’amiral anglais Byron.  

La bataille de la Grenade par le peintre Jean-François Hue ( Musée national de la Marine).

En octobre 1779, d’Estaing ne parvient pas à prendre le port de Savannah en Géorgie où l'attaque française mal préparée échoue. Sur terre, les Anglais qui ont reconquis la Géorgie s'emparent de Charleston. 


 

La guerre en Europe

 Dès février 1777, le Marquis de La Fayette avait conclu avec Silas Deane, l’un des commissaires américains officiels en France, un accord secret selon lequel il s’engageait à servir les États-Unis en qualité de major général de l’armée américaine. Bravant l’interdiction royale, il fait voile vers l’Amérique sur un brick de 250 tonneaux, baptisé du nom symbolique de La Victoire. Sa première rencontre avec George Washington a lieu le 1er août 1777, à Philadelphie.

 
Tableau par Hubert Robert(1733-1808), musée franco-américain de Blérancourt.

La Fayette est rentré en France sur l'Alliance (Boston, 11 janvier 1779 - Brest, 6 février 1779), frégate de 36 canons, de la Marine Continentale ( capitaine Pierre Landais).

Il va multiplier les propositions d'action, dont une opération à Jersey. Il est affecté à l'état major des forces de débarquement massées en Normandie. Mais la jonction des flottes française et espagnole s’effectue trop tard dans l’arrière-saison. Le manque de coordination entre les deux armées navales et une épidémie de typhus empêchent la réalisation du débarquement de 20 000 hommes envisagé dans des îles britanniques. 

Le 17 août 1779 les frégates françaises la Junon et la Gentille s'emparent du vaisseau anglais l’Ardent.

 Source: : Combat des frégates la Junon et Gentille contre le HMS Ardent, par Gilbert Pierre Julien, Château de Versailles, 1837

 Le 6 octobre la frégate la Surveillante engage la frégate anglaise HMS Quebec qui explose après trois heures de combat.

 

Combat de la Surveillante contre le HMS Quebec, par Rossel de Cercy, Musée de la Marine

Le 18 décembre 1779, à la Martinique, La Motte Picquet sur le 74 Hannibal se porte avec deux autres vaisseau au secours d'un convoi de 26 navires de transport attaqué devant Fort Royal par les 14 vaisseaux de l ‘Amiral Rodney. Au cours d'un combat contre sept vaisseaux ennemis, il réussit à dégager la frégate l'Aurore ainsi que 8 transports.

 

Combat en rade de Port Royal, par Rossel de Cercy, Musée de la Marine 

Le Roi décide d'envoyer en Amérique une escadre de sept vaisseaux de ligne et un corps de troupes de 10 000 hommes. M. de Rochambeau est nommé commandant en chef du corps expéditionnaire, et le Chevalier de Ternay mis à la tête de l'escadre.

La Fayette s'embarque à Rochefort pour annoncer l'arrivée de cette escadre, le 18 février 1780, sur la frégate l'Hermione, frégate neuve de 32 canons, dont le capitaine est La Touche Tréville. Ils arrivent à Boston, le 28 avril 1780. 


 

Mars 1780 : Expédition 

du chevalier de Ternay

et de Rochambeau.

 

Vaisseaux

Commandant

Le Duc de Bourgogne, 80 canons, 840 h

Chevalier de Ternay

Le Neptune, 74 canons, 626 h

Chevalier Destouches

Le Conquérant, 74 canons, 751 h

La Grandière

La Provence, 64 canons, 404 h

Lombard

L'Eveillé, 64 canons, 484 h

De Tilly

Le Jason, 64 canons, 556 h

La Clochetterie

L'Ardent, 64 canons, 404 h

Chevalier de Marigny

Frégates

 

La Bellone

 

La Surveillante

Sillart

L'Amazone

La Pérouse

Cutter La Guêpe

Chevalier de Maulevrier

Le Serpent

 

Le Fantasque

 

Plus trente-six bâtiments de transport

 

Source:  Port de Brest par Louis-Nicolas Van Blarenberghe (1716 - 1794) 

«  La rade de Brest, en cette fin de mars 1780, offre une agitation insolite. Sept vaisseaux de haut bord et deux frégates, qui composent l’escadre du chevalier de Ternay, y attendent l’ordre de convoyer la flottille de transports. Ce sont : le Duc de Bourgogne de quatre-vingts canons ; le Neptune et le Conquérant de soixante quatorze . l’Éveillé, la Provence, l’Ardent et le Jason de soixante-quatre…………… ………………..

Les frégates la Surveillante et l’Amazone, capitaine La Pérouse, s’emplissent de barils d’huile, de farine et de riz ; de tonneaux de biscuits, de lard et de salaisons ; de pintes d’eau-de-vie et de barriques de vin. »

Extrait du Rochambeau de Jean-Edmond Weelen .

  La traversée s'exécute sans autre incident qu'un petit engagement, le 20 juin, au sud des Bermudes, avec une escadre de cinq vaisseaux anglais sous les ordres du Commodore Cornwallis. Fin juillet, le corps expéditionnaire aux ordres du comte de Rochambeau et fort de 6.000 hommes débarque à Newport, où il séjourne sans combattre jusqu’en juin de l'année suivante. Rochambeau attend les renforts que le Comte de Guichen, qui dispose d’une flotte de près de 25 vaisseaux, doit lui amener de France; mais celui-ci a rencontré dans les Antilles, l'amiral Rodney, qu’il engage à trois reprises aux abords de la Martinique (20-21 mars ; 17 avril ; 15 et 19 mai), sans jamais faire la décision. 

 
Combat naval de la Dominique du 17 avril 1780 par Pierre-Julien Gilbert ( 1783-1860 ), Château de Versailles. 

Guichen évite les pièges que lui tend un adversaire plus agressif, et protège ses convois, mais  doit renoncer à son plan d’attaque sur Sainte Lucie qui restera anglaise. Washington doit se résigner à retarder l'expédition décisive qu'il concertait avec Rochambeau 

Cette période de calme n’est interrompue que par l’action navale dirigée par le chevalier Destouches avec sept vaisseaux, un 44 canons et la frégate Hermione, contre une division anglaise sous le commandement du commodore Arbuthnot  comprenant huit vaisseaux et deux frégates(16 mars 1781). La bataille du cap Henry est livrée près de la baie de Chesapeake. CharlesSochet Destouches devait débarquer une force de 1200 hommes  pour soutenir par mer La Fayette dans le siège de Portsmouth. Il ne peut empêcher l'escadre anglaise de garder la baie. 


Mars 1781

Expédition du

Comte de Grasse

 

Le 22 mars 1781, le comte de Grasse part de Brest avec 26 vaisseaux de ligne et quatre frégates. Il a pour mission de se rendre aux Antilles, et ensuite en Amérique pour lier son action à celle des forces franco-américaines. 

Escadre de M. le Comte de Grasse,
partie de Brest pour la Martinique, le 22 mars 1781,
 
avec un convoi de 80 bâtiments marchands.                                                                                                                                                                              

  Vaisseaux :

 

Ville de Paris, 104 canons, 1165 h

Sceptre, 74 canons, 923 h

Auguste, 80 canons, 1026 h

Fier, 74 canons, 437 h

Saint-Esprit, 80 canons, 760 h

Magnanime, 74 canons, 580 h

Languedoc, 80 canons

Artésien, 64 canons

Hannibal, 74 canons

Sphinx, 64 canons

Glorieux, 74 canons, 653 h

Vengeur, 64 canons

Diadème, 74 canons

Sagittaire, 64 canons, 589 h

Citoyen, 74 canons

 

Souverain, 74 canons

Frégates :

Zélé, 74 canons

Sensible, 30 canons

Pluton, 74 canons, 906 h

Discrète, 30 canons

Bourgogne, 74 canons, 439 h

Dédaigneuse, 30 canons

César, 74 canons

Serpent, 142 h

Marseillais, 74 canons, 650 h

Vaisseaux de 74 canons

Héros, 74 canons

armés en flûtes et chargés de vivres

Scipion, 74 canons, 596 h

Albion, ci-devant le Northumberland

Hercule, 74 canons

Sceptre

Hector, 74 canons, 650 h

Fier

Northumberland, 74 canons, 800 h

plus quatre cutters

Le 29 avril 1781, le Comte de Grasse force le blocus que maintenait devant Fort Royal l'escadre anglaise de Hood. Il obtient du gouverneur des Antilles 3300 hommes et se dirige vers l'embouchure de la Chesapeake. Débarqué en Virginie le 2 septembre, ce corps de renfort, aux ordres du Marquis de Saint-Simon, fait aussitôt sa jonction avec les six régiments américains et les 3000 miliciens que commande La Fayette et qui, depuis cinq mois, contiennent dans la région de Yorktown les troupes d'Arnold et de Cornwallis. Dès la nouvelle de l'arrivée du Comte de Grasse, les armées de Rochambeau et de Washington se dirigent sur la Virginie.

   

La bataille de la baie de Chesapeake

 

  

 Le 5 septembre, alors que l'escadre française débarque des troupes sur la côte à Williamsbourg, on signale des voiles ennemies. C'est la flotte anglaise composée des deux escadres: celle de Hood et celle de Graves. De Grasse donne l’ordre de laisser filer les ancres, et en une heure tous les vaisseaux français sont sous voiles. La bataille s'engage vers 15 heures. Le combat entre les 24 navires français et les 19 vaisseaux anglais va débuter en suivant les règles les plus traditionnelles, bord à bord, en lignes parallèles. Les ordres de Graves sont contradictoires et mal compris. Bientôt les Anglais ont cinq de leurs bateaux très maltraités. Puis le vent tourne, passe au nord-est, et force brutalement. La flotte anglaise fait porter largue et s'échappe.

 

Vaisseaux français la Ville de Paris et l'Auguste
Détail de peinture à l'huile par Zveg,
Centre historique naval américain, Washington, DC.

Les Anglais ont perdu le Vengeance qui coule. Ils sont obligés, dans la soirée, de mettre le feu au Terrible, vaisseau de 74 canons, qui ne peut plus tenir la mer.

Le 10 septembre, l'escadre de Barras, après s'être emparée au passage de deux frégates anglaises "l'Iris" et "le Richemond", qui cherchaient  à détruire le mouillage de l'escadre française, débarque les munitions, l'artillerie lourde et la cavalerie embarquées le 9 de Newport.

Venant du Nord à marches forcées, Washington et Rochambeau sont chez de Grasse le 17.  Le gros des troupes et le reste de l'artillerie les rejoignent le 26.

A la fin de septembre ce sont près de seize mille hommes, tant Français qu'Américains, qui bloquent du côté de terre les forces anglaises retranchées à Yorktown. L'escadre de l'amiral de Grasse complète l'investissement.

Une tranchée est ouverte dans la nuit du 6 au 7 octobre et continuée dans les nuits qui suivent, malgré un feu d'artillerie assez violent qui, en deux semaines, inflige aux seules troupes françaises une perte d'environ 300 officiers ou soldats. La tranchée était presque achevée le 12 octobre, mais restait vulnérable au feu de deux redoutes saillant à l’extrême gauche de la défense britannique. Il parut impératif au lieutenant général comte de Rochambeau, avec l’accord du général Washington, de s’emparer de ces deux points forts. L’assaut qui allait se dérouler le soir du 14 octobre fut minutieusement préparé. Les deux redoutes furent enlevées et furent dès le lendemain incorporées au dispositif allié. Quelques cent quarante bouches à feu se livrèrent jour et nuit à un feu roulant quasi incessant contre l’ensemble du dispositif anglais maintenant très proche.

Le 17, à midi, Cornwallis demande à parlementer. Le 19, il capitule, abandonnant aux Alliés plus de 8000 prisonniers, 214 canons et 22 drapeaux.

 

Ce fait d'armes marque la fin de la résistance des Anglais en Amérique. Washington regagne ses quartiers de l'Hudson. L'armée de Rochambeau est ramenée en France par la la flotte de M. de Vaudreuil.  

 

 

Minorque,

les Antilles ( Indes occidentales)

 

Le duc de Crillon, avec 8.000 hommes sous ses ordres prend Minorque le 4 février 1782. 

 Dans les Antilles, les Anglais ne conservent d'autre île importante que la Jamaïque. De Grasse veut la leur enlever, et le 11 janvier 1782, débarque 6000 hommes dans l’île de Saint-Cristophe. La garnison est sur le point de se rendre quand survient l’escadre anglaise de Hood, qui attire De Grasse au large et réussit à occuper le mouillage abandonné par les Français.

Le 12 avril 1782, au large de Saintes de Grasse rencontre l’escadre anglaise commandée par Rodney.  Au moment du changement de bord pour reprendre l’affrontement en parallèle, l’ordre n'est pas suivi par tous les commandants. Une saute de vent achève de désorganiser la ligne française. L’Amiral Rodney, fait virer ses navires de 90 degrés et coupe la ligne française en quatre endroits. De ce fait les navires anglais peuvent prendre les français en enfilade sans craindre leurs feux. De Grasse ne peut jamais reformer sa ligne et à la fin du jour cinq vaisseaux français gravement endommagés doivent baisser leur pavillon. Finalement le Ville de Paris, un 108 canons baisse  à son tour ses couleurs et De Grasse rend son navire et son épée au Capitaine anglais Lord Cranston. Sur le Ville de Paris il y a plus de 400 tués et plus de 700 blessés ; six navires français sont ou détruits ou capturés et plus de 6000 hommes ont péri.


 

Les Indes orientales.

Le Bailli de Suffren avait été envoyé aux Indes orientales avec une escadre de 6 vaisseaux et une frégate.

Le 16 avril 1781, à Praya, aux îles du Cap vert, il se lance à l’assaut des vaisseaux du Commodore Johnstone, mais doit se retirer après n'avoir fait que quelques dégâts, car seuls l'Hannibal et l'Artésien ont suivi son vaisseau, le Héros. Cela lui permet cependant d'arriver aux Indes avant  les Anglais.

Le 17 février 1782, il arrive aux Indes à la tête de 12 vaisseaux. A Sadras il rencontre et prend en chasse l’escadre de 9 vaisseaux de Hughes. L’engagement prend fin avec l’arrivée de la nuit.

Le 12 avril à Provedien dans l’île de Ceylan, il rencontre à nouveau Hughes qui alignent cette fois 11 vaisseaux.  Un orage puis la nuit mettent fin à l’engagement.

A Negapatam, le 6 juillet, 11 vaisseaux contre 11. Une saute brutale de vent vient mettre en désordre les deux escadres, sans qu’aucune n’ait pris davantage sur l’autre.

 

 
Dominique Serres (1719-1793)

Le trois septembre à Trincomali, avec 14 vaisseaux il engage 12 vaisseaux anglais. La bataille se termine sans avantage décisif. Suffren perd l’Orient qui touche un rocher dans la baie.

Le 1er octobre l'escadre quitte Trinquemalé pour aller à Gondolour. Le vaisseau Le Bizarre dont le commandement a été donné au Capitaine Trehouret de Pennelé, se perd en se rendant à ce mouillage, après avoir viré trop tard sous le vent de la côte.

En mars 1783, à Sumatra, il reçoit en renfort trois vaisseaux, une frégate et 2500 hommes de troupe.

En juin 1783, Hughes arrive de Bombay avec 18 vaisseaux. Le 20 juin , au large de Gondolour, avec 15 vaisseaux, Suffren le rencontre et, après une brève et violente canonnade, le met en fuite.

 
Auguste Jugelet, 1836.

 A cette occasion, Suffren a obéi au Roi Louis XVI de monter sur une frégate, à l’arrière de la ligne.

« Considérant qu’il est impossible au commandant d’une armée navale de juger, pendant le combat du mouvement de sa ligne et de celle de l’ennemi, tant à cause de la fumée du canon dont il est enveloppé, que par l’attention qu’il est obligé de porter à la manœuvre particulière du vaisseau sur lequel son pavillon est arboré, considérant que les vaisseaux de tête distinguent difficilement les signaux qui leur sont adressés du centre de la ligne, et que le moment de les exécuter est souvent passé, lorsqu’ils les aperçoivent, je vous fait cette lettre pour vous dire que mon intention est que, si dorénavant vous trouvez l’occasion de combattre mes ennemis, vous aurez à quitter le vaisseau sur lequel votre pavillon est arboré, et que vous passiez sur la frégate dont vous aurez fait le choix, d’où il vous sera plus facile d’observer la manœuvre de les ennemis, d’indiquer celle que vous jugerez à propos de faire faire à l’armée navale dont je vous ai confié le commandement et d’en presser l’exécution. Louis . »

ordonnance du Roi après la bataille de la Dominique ( Troude O. )

Suffren rentre triomphalement à Toulon le 26 mars 1784. Louis XVI va créer spécialement pour lui une quatrième charge de vice amiral, qui disparaîtra, à sa mort.


 

 

Paix et conséquences

 

Après la Bataille de Yorktown, des négociations secrètes s'engagent directement entre Londres et Washington. La Grande-Bretagne cède les 13 colonies et leur accorde toutes les positions au sud des Grands Lacs et à l'Est du Mississippi.

 

Signature du traité de Paris, 1783.

 

En septembre 1783, lors du traité de Paris, la France gagne (ou récupère) des territoires en Amérique, en Afrique, et dans les Indes, ainsi que des droits accrus (pêche à Terre-Neuve). L'Espagne récupère la Floride et Minorque, mais Gibraltar reste britannique. (tableau des pertes en navires)

Après 1789, les relations entre la France et les Etats Unis se dégradent car les excès révolutionnaires inquiètent le gouvernement américain. Quand la Convention déclare la guerre à la Grande-Bretagne, Philadelphie, craignant d’être entraînée dans un conflit qui ne concerne pas les Américains, proclame la neutralité des Etats-Unis.  

A la fin de l’année suivante les Américains signent un traité de commerce avec les Anglais, qui est accueilli par Paris comme une trahison. Des navires américains sont arraisonnés par des corsaires et immobilisés dans des ports français. L’alliance franco-américaine de 1778 a bel et bien vécu. 

Pendant près de quatre ans, les deux pays vont se faire une  guerre non déclarée, baptisée "Quasi War" outre-Atlantique. Escarmouches et combats navals se multiplient, principalement dans les Caraïbes. Enfin en octobre 1799, après plusieurs mois de tractations, un accord est finalement ratifié le 23 mars 1801 et  met fin à cet état de guerre. 

Cette guerre larvée entre Français et Américains a permis le  développement de l’U.S. Navy.  Au plus fort de la "Quasi War", l’U.S. Navy est forte de 14 bâtiments de guerre, dont 9 frégates. 

En  1809,  la France a accepté de reconnaître le pavillon américain en mer, mais les Britanniques s'y refusent toujours et voudraient interdire tout commerce entre les États-Unis et la France. La Marine anglaise arraisonne les bâtiments américains, pour y contrôler les marchandises et enrôler de force les matelots d’origine anglaise, ce qui donne lieu à de graves incidents. En 1811, des navires anglais ouvrent le feu contre des navires américains.

 HMS Leopard was a British 50-gun 4th rate. In early 1807, a number of British and American sailors deserted their respective ships, then blockading French ships in Chesapeake Bay, and joined the crew of the USS Chesapeake.

June 22 1807, In an attempt to recover deserted British sailors (or possibly to press American sailors into the service of the Royal Navy), Captain Salisbury Pryce Humphreys hailed the USS Chesapeake and requested permission to search it. Commodore of the Chesapeake, James Barron, refused, and the Leopard opened fire. The former surrendered, and Humphreys boarded to search for deserters. The boarding party captured four deserters from the Royal Navy — two African-born Americans, one U.S.-born American and one British-born sailor — and took them to Halifax, where the British-born sailor, Jenkin Ratford, was later hanged. Though many subsequently believed the affair to be a prelude to the War of 1812, at the time it did little more than strain diplomatic relations between the United States and Britain."

Source: HMS Leopard (1790), from Wikipedia.

  Le Congrès ajoute 15,000 hommes à l'armée régulière, accepte 50,000 volontaires et rénove les navires USS Adams, USS Chesapeake etUSSConstellation. le 18 juin 1812 les États-Unis déclarent la guerre à la Grande Bretagne et attaquent le Canada.

 

La seconde guerre

d'indépendance américaine

18 juin 1812– 18 février 1815

 

A l’époque, les Etats-Unis ne comptent qu’environ 8 millions d’habitants, et alors que les Anglais ont la plus puissante marine du monde, la flotte américaine ne comprend que 16 navires de guerre.

Les Américains l'emportent sur les eaux des fleuves et des lacs, mais les Anglais restent les maîtres sur mer et bloquent tous les grands ports des USA.

Le point culminant de la guerre est une offensive  anglaise en août 1814 où deux armées de 12.000 et 4000 hommes convergent sur Washington. Les soldats anglais incendient le Capitole et la Maison Blanche, et bombardent ensuite  Baltimore.

 Mais en septembre, les Américains remportent une victoire navale au large de Plattsburg, sur le lac Champlain, à la suite de laquelle l’armée anglaise bat en retraite vers le Canada.

Le traité de Gand le 24 décembre 1814 met fin au conflit. Le 3 juillet 1815, un traité anglo-américain de commerce et de navigation scelle définitivement la réconciliation des deux nations.