►0h.15m. P.M. : Zone 2 :
Le Victory coupe la ligne alliée
Revenons un peu plus tôt et vers l’avant avec Nelson.
► A 0 h. 20m. P.M., le Bucentaure tire une première volée trop courte sur le Victory. Cinq minutes après, une deuxième volée est tirée, qui est trop longue cette fois, le Victory se trouvant alors à un mile de distance. Une troisième volée suit presque immédiatement, qui passe au dessus du navire. Une ou deux autres font de même, jusqu’à ce qu'un tir frappe le perroquet du grand mat du Victory. Une minute ou deux de silence suit et puis au signal de l’Amiral français, le Héros, le Santissima Trinidad, le Redoutable, le Neptune ouvrent le feu sur l'Amiral anglais.
Depuis le commencement du tir, le vent est tombé. Le Victory progresse lentement vers l’intervalle entre le Santissima Trinidad et le Bucentaure, qui soutenus par le Redoutable maintiennent un feu intense, mais imprécis. Le commandant du Redoutable fait d’ailleurs monter ses chefs de pièce sur le pont pour leur montrer qu’ils tirent trop bas.
Comme il est à moins de 500 mètres par le travers bâbord du Bucentaure , le petit mat de hune du Victory est fracassé au niveau des deux tiers, un autre tir endommage le gouvernail, et le navire doit être dirigé de la Sainte-barbe. A peine deux minutes se passent, avant qu’un autre tir ne tue huit marines sur le gaillard d’arrière et n’en blesse plusieurs autres. L’amiral ordonne au Capitaine Adair de disperser ses hommes, et de les faire se coucher.
► Le capitaine Lucas, commandant du Redoutable, voyant le danger auquel était exposé le vaisseau amiral par l'éloignement de son matelot arrière, le Neptune , force de voiles, et vient poster son vaisseau dans la hanche du Bucentaure. Par cette manœuvre, il rend impossible à l'ennemi de couper la ligne en arrière du Bucentaure, sans aborder le Redoutable.
► A 1 P.M. le Victory passe à l’arrière du Bucentaure. Les navires sont si près, que le bout bâbord de la grand vergue du trois ponts anglais, quand il roule touche l’extrémité de la corne de son adversaire. Les caronades de 68 livres chargées d’un boulet et d’un tonnelet rempli de 500 balles de mousquet tirent droit dans le château arrière du Bucentaure.
Le Prince de Joinville était alors aspirant sur le Bucentaure, il n'avait que 15 ans, et raconte dans ses mémoires.
« ... Chef de la hune d'artimon, j’ai vu le vaisseau de Nelson, le Victory, passer lentement à la poupe du Bucentaure, si près que la vergue de l'un accrocha le pavillon de l'autre, pendant que les cinquante pièces du vaisseau anglais, faisant feu l'une après l'autre dans l'arrière du vaisseau français balayaient les batteries de long en long et jetaient par terre quatre cents hommes de son équipage....» ( Le vaisseau désemparé se brisa dans la tempête qui suivit la bataille. Traversant à pied l'Espagne avec les quelques survivants du Bucentaure, le Prince regagna la France.)
Les volées du trois ponts anglais démontent 20 canons et remplissent les batteries françaises de morts et de blessés. Au même moment, le 80 canons français Neptune envoie sa bordée sur le Victory, et lui coupe ses bômes de focs et ses vergues de hunier. Le bossoir tribord est complètement arraché. D’autres tirs pénètrent dans l’avant du Victory à fleur d’eau, et endommagent le mat d’artimon et le beaupré. Le Capitaine de pavillon de Nelson, Hardy, laissant le Bucentaure aux trois-ponts anglais Téméraire et Neptune qui arrivent, vire brutalement et se précipite sur le Redoutable du Capitaine Lucas.
► Vers 1 h. 10 m. P.M., les deux navires laissent aller l’un sur l’autre. A peine le Victory a-t’il abordé le Redoutable, que le bosco du pont supérieur fait décharger ses caronades de 68 livres tribord, droit sur les ponts du Redoutable. Le Redoutable, de son coté, tire avec les canons du pont principal et utilise sa mousqueterie. Sur ses hune se trouvent des pierriers, qui chargés avec de la mitraille, ont un effet destructeur sur le gaillard d’avant du Victory. En peu de minutes, plusieurs officiers et 40 hommes, presque tous ceux qui se trouvent sur le pont supérieur sont tués ou blessés. Une caronade de 18 livres, installée sur la poupe, réussit à détruire la hune d’artimon du Redoutable . C’est le corps à corps des deux vaisseaux, où la fusillade est maintenant, terrible. Sur le Victory le tir est si efficace que Nelson ordonne à ses hommes et à son infanterie de marine de descendre pour préserver leurs vies. Le Redoutable prend l'avantage. Il se prépare à l’abordage.
► 1 h.25 P.M. une balle vient frapper Nelson qui s'effondre. On le relève, on l'emporte. Il n'a eu que le temps de murmurer :
" Ils y ont enfin réussi ! Je suis mort… "
La position du Victory et celles des navires voisins au moment où Lord Nelson reçoit sa blessure sont représentées sur le schéma qui suit.
►Le Téméraire qui suit le Victory ouvre alors le feu sur le Neptune et le Redoutable.
► La plupart des hommes encore en état de se battre ont quitté le pont supérieur du Victory. Sur le Redoutable une grande partie de l’équipage se rassemble sur les porte haubans et le long de la passerelle de leur navire pour monter à l’abordage du trois ponts anglais. Mais une partie des hommes du Victory est déjà remontée des ponts inférieur. L’équipage français, en plus d’une opposition inattendue, constate que la courbure des coques des deux navires l’empêche de passer de l’un à l’autre, et se retire sans aborder. Du coté opposé le Téméraire décharge l’ensemble de sa volée à bout portant, tuant en un instant 19 hommes et en blessant 22. Le Capitaine Lucas, quoique que blessé, demeure sur le pont. Repousser cet assaut a coûté cher au Victory. Le Capitaine Adair et 18 hommes sont tués, et un lieutenant, un aspirant, et 20 hommes blessés. Des hunes et des vergues du Redoutable, on continue à lancer des grenades à main.
► 2 h. P.M.,le Fougueux se dirige droit sur le travers tribord du Téméraire. A moins de 100 mètres, le Téméraire ouvre le feu sur le navire français, qui dérive alors et s’accroche à lui par les gréements. Le Lieutenant Kennedy, accompagné d’une trentaine d’hommes, se précipite à l’abordage. Sur le pont du Fougueux gît le Capitaine Beaudoin, mortellement touché. L’équipage français est repoussé du gaillard par les anglais qui prennent possession du Fougueux.
► Le grand mat et le mat d’artimon du Redoutable tombent, encombrant toute la partie arrière du navire. Cet accident stoppe définitivement la mousqueterie du Redoutable. Le Capitaine Lucas, grièvement blessé et sans espoir d'être secouru, amène son pavillon. Le vaisseau compte 487 tués et 81 blessés sur un équipage de 643 hommes. A 2 h. 20 m. P.M., une partie de l’équipage britannique emmené par le Lieutenant John Wallace, second à bord du Téméraire, monte à bord, et prend possession du Redoutable.