La frégate Hermione

 

 L'Hermione est la frégate qui a transporté La Fayette en Amérique lors de la guerre d’indépendance. Une frégate à l’identique est  actuellement en construction à Rochefort.

(site de l'Hermione, la frégate de la liberté, cliquez ici) 

 

(La plupart des textes encadrés en italique sont extraits du  « Journal de la frégate du Roi L’Hermione de 32 canons, commandée par Mr de Latouche, lieutenant de vaisseau. », dont une transcription a été faite par Gérard Piouffre. Quand ce n’est pas le cas la référence est indiquée.) 

L'Hermione est une frégate dite de "12", car elle est armée de canons tirant des boulets de 12 livres. Elle est dite aussi frégate de 32, qui est le nombre de canons portés par les frégates de sa classe. En fait, en plus de ses 26 canons de 12 livres, elle va embarquer non pas six, mais huit canons de 6 livres sur les gaillards. La frégate française de cette génération est fine et toilée, donc rapide. Elle joue à merveille le rôle de « chien de garde », si important pour escorter les navires de commerce au départ des côtes charentaises. C'est à Rochefort qu'a été construite la première frégate de 12 française, qui s'appelait déjà Hermione.

 

 

Rochefort par Vernet, Musée de la Marine

 

  L'Hermione:  La Construction  

 

C’est l’ingénieur constructeur de Marine Pierre Chevillard dit l’aîné qui est chargé de sa construction ainsi que d’une autre frégate, la Fée d’après le dessin qui a déjà servi à la Courageuse et à la Concorde, les deux premières de cette série de quatre. Son frère cadet Jean Denis entreprend de son coté la construction de la Junon et de la Charmante sur un plan identique. En avril 1779, la coque est achevée. Le bâtiment est certifié conforme dans ses dimensions par deux capitaines de vaisseaux du Roy.

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Elle porte trois mâts et est percée sur chaque flanc de 14 sabords. Elle est forte de 26 canons de "12" en batterie, dont 20 provenant de la frégate l'Engageante désarmée le 6 mai précédent (G. Piouffre) et de huit de "6" sur ses gaillards. Dix pierriers d’une livre et quatre d’une demi-livre complètent l’artillerie. Longue de 41.0 m, large de 11 m, la frégate n'a nécessité que 6 mois de travail pour un total de plus de 35 000 journées de travail.. Lège et mâtée de ses bas-mâts, elle a un tirant d'eau égal à 3,68 m à l'arrière et  3,36 à l'avant, la batterie est alors à 3,52 m au dessus du niveau de l'eau. En mai l’Hermione descend l'estuaire à la cordelle en trois jours.

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Proportions de la frégate :

Longueur totale : 44.3 mètres

Largeur au milieu : 11,20 mètres

Poids supposée: 1250 tonnes

Creux : 5,70 mètres

Tirant d’eau avant : 4,9  mètres

Tirant d’eau arrière : 5,2 mètres

Grand mât :  51 mètres

Mât de misaine : 48 mètres

Mât d'artimon : 35 mètres

Beaupré :  27 mètres.

En pleine charge, son centre de gravité se trouve à 20 cm sous la flottaison . La frégate est stable jusqu’à 40° de gîte ; l’angle d’envahissement des sabords est de 35°. A sabords ouverts, sous le vent, elle s’appuie à 20° par vingt nœuds de brise. Elle file alors 15 nœuds, avec toute sa voilure de 1200 m2 de toile. 


 

Première croisière 1779

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L'Hermione appareille le 21 mai 1779, sous le commandement de Louis de La Touche lieutenant de vaisseau âgé de 34 ans. La Touche vient de quitter le commandement d'une corvette de 20 canons  et de cent dix hommes Le Rossignol. Il est impatient d'affronter les Anglais contre lesquels la France est à nouveau en guerre depuis le 17 mars 1778. Son nouvel équipage est composé de 231 hommes et de 71 surnuméraires, en tout 302 personnes.

  Le 28 mai 1779, l'Hermione est au large de l'Île d'Yeu, quand un bâtiment à trois mâts lui donne la chasse. La Touche se laisse rejoindre par son poursuivant. La nuit tombe. Au petit matin, l'ennemi est identifié comme un Corsaire Anglais de 18 canons, la Dissidence. La Touche maintenant à portée de canon, fait virer brutalement l'Hermione, court sur "La Dissidence" et lui envoie toute sa bordée. Le corsaire après une autre bordée, amène son pavillon. Le lendemain, c'est  un autre corsaire de 18 canons, La Résolution des dames de Londres, qui est capturé.

Fin 1779, l’Hermione regagne l'Arsenal de Rochefort pour y procéder au doublage de sa coque avec  1100 feuilles de cuivre, afin d'augmenter la vitesse du bâtiment. Cette opération s'achève début janvier 1780.

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hermioneaccueilpage3Début février 1780, L'Hermione croise dans le Golfe de Gascogne. La Touche poursuit l'entraînement de son équipage, maintenant au complet. Ce sont plus de 300 personnes qui vivent à bord d'une frégate de 41 mètres de long sur 11 mètres de large.

Relevé des divers points de la campagne 1779-1780 à bord de l'Hermione effectué à bord par l'officier auxiliaire Mullon.

Le 19 février 1780, l'Hermione mouille au Port-des-Barques.


 

 Gilbert du Motier Marquis de Lafayette

Portrait de Gilbert Motier, marquis de La Fayette, peint par Joseph-Désiré Court en 1834. 

 

Mission en Amérique

 

 Une lettre de Monsieur de Sartine, Secrétaire d'Etat à la Marine, annonce que le Marquis de La Fayette sera embarqué à bord de l'Hermione: 

 "...il est nécessaire qu'il ait à bord un logement fermé et décent.Quoique le départ de Monsieur le Marquis de La Fayette ne soit pas un mystère, vous jugerez cependant qu'eu égard à la nature de sa mission, il convient d'agir avec toute la discrétion possible..."

HermioneVictoireLa Fayette, qui s’est déjà rendu en Amérique à bord de la Victoire, en 1777, s'est lié d’amitié avec le général Washington. Depuis son retour en France le 6 février 1779, il est intervenu auprès du Roy pour que soit apportée de l’aide aux Insurgents américains. Le 5 mars 1780, il reçoit enfin ses ordres:

 Il se présente à Rochefort le 9 mars 1780 à 7 heures du soir. Par vent de Nord, bon frais, dans la nuit du 14 au 15 mars 1780, l'Hermione met le cap sur l'Amérique. Le matin du 15 mars 1780, un accident survient: 

" ……. La  grande vergue a cassé par son milieu par la  très mauvaise qualité du bois qui était  rempli de nœuds. Elle a manqué dans un  endroit où il y en avait trois qui se touchaient Cet accident m'a forcé de prendre  le parti de relâcher à l'île d'Aix. En conséquence, j'ai arrivé à 11 heures 1/2 à l'E. 1 /4 S.E. Depuis hier, la route m'a valu l'O.  1 /4 S.O., 3° O, chemin : 37 lieues 1/3, latitude observée : 45° 56', longitude assurée : 7° 5'."

 Le jeudi 16 mars à 10 heures, nous retrouvons l'Hermione tirant des bords à l'entrée du Pertuis d'Antioche. Le lendemain elle mouille en Rade de l'Ile d'Aix, où elle attend  le retour de la chaloupe commandée par Mr Duquesne parti à Rochefort chercher une vergue. Nouveau départ le 20 mars. 

 Le 22 mars au soir une voile est aperçue. 

"Au coucher du soleil, on a eu connaissance d'une voile de l'avant. A 8 heures 1/2, on a vu un bâtiment par le travers qui  m’a tire un coup de canon à boulet. Je l'ai juge brick et corsaire. Il m'a tiré trois autres coups, également à boulet. J'ai fait diminuer de voiles et lui ai envoyé une bordée ce qui l'a fait arriver vent arrière. J'ai refait de la voile et j'ai remis le cap à 1’O.N.O. N’ayant pas cru devoir m'amuser à chasser ce bâtiment."

                   

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Le samedi 25 mars, le vent force encore et tourne en tempête. Par la suite, l'Hermione doit encore subir un gros coup de vent. La vergue de perroquet casse net. Elle est remplacée par la civadière. Le 25 avril, une voile est signalée. L'Hermione l'intercepte. C'est un corsaire américain dont le commandant est incapable de donner sa position précise. 

 Enfin, le jeudi 27 avril 1780, la côte américaine se dévoile. Le lendemain après-midi, la frégate entre en rade de Boston après 38 jours de traversée. Elle salue de 13 coups de canon les couleurs américaines portées par le fort de l'Île du Château qui lui rend la politesse.

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  D'après Baugean Jérome ( 1765-1830)

 La Fayette quitte le bord le 2 mai 1780 pour rejoindre le Général Washington. 


 

 

 

  " Mercredi 7 juin 1780   A 4 heures du matin, j'ai pris les amures sur bâbord, le cap au N.O. 1 /4 0. Les vents de la partie du S.O. bon frais, le temps couvert. A 7 heures du matin, j'ai eu connaissance de 4 voiles au vent à moi, courant les amures à tribord. J'ai reconnu un sloop de guerre, un schooner, un senault et un bâtiment à 3 mâts que j'ai jugé frégate."

L’Iris est l'ancienne frégate américaine Hancock capturée le 7 juillet 1777  par le HMS Rainbow. Elle possède en fait 13 sabords sur chaque bord.  

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"Ces deux derniers bâtiments ont mis au même bord que moi et ont diminué de voile. Après avoir fait toutes mes dispositions pour le combat, j'ai viré sur la frégate qui a fait porter grand largue sur moi, quand elle a vu que j'avais dessein de l'attaquer J'ai reconnu ce bâtiment pour une frégate percée a 15 sabords en batterie, dont 14 étaient garnis de canons et elle en avait sur son gaillard, depuis l'extrémité de son arrière, jusqu'au grand mât.

  J'ai cargué mes basses voiles et me suis mis comme elle, sous les deux huniers. Nous avons hissé notre pavillon, chacun par le travers l'un de l'autre. J'ai assuré le mien par toute ma bordée de tribord que je lui ai lâchée en la dépassant. Elle ne m'a riposte que par quelques coups. J'ai jugé que son dessein était d'arriver dans ma poupe pour m'envoyer sa bordée entière. En conséquence, j'ai arrivé tout plat, vent arrière et par ce moyen,je me suis trouvé par son travers. Nous avons commencé alors, un feu vif de part et d’autre à demie portée.

 Après une demie heure de combat dans cette position, je me suis aperçu qu'elle faisait tous ses efforts pour se laisser culer afin de me prendre par l'arrière, par la marche supérieure que j'avais sur elle à même voilure et mon dégréement total de bras continuant de lui faciliter ce mouvement. Je parvins cependant à venir un peu au vent et je trouvai par cette manœuvre  dans la position de la battre de tous mes canons, de l'avant à l'arrière, comme elle me battait de l'arrière à l'avant. Le combat a duré ainsi pendant 1 heure avec vivacité de part et d'autre, mais mon feu étant supérieur au sien, elle saisit l'instant ou je la dépassais, pour mettre son petit hunier à culer et peu après, elle a tenu le vent. Je lui ai envoyé trois coups de canon auxquels elle n'a pas riposté. Mon gréement étant haché de manière à ne pas pouvoir tenir le vent, j'ai laissé tomber la misaine pour m'éloigner afin de le réparer dans l'intention de recommencer le combat. Elle a continué à tenir le vent et j'ai jugé que son projet n'était pas d'en venir à un second engagement.

    En travaillant à réparer les manœuvres coupées, j'ai eu connaissance de l'avant de moi, du schooner qui était de sa compagnie. J'ai mis toutes les voiles que j'ai pu pour le chasser. Je l'ai poursuivi à la vue de la frégate anglaise, jusque sous la pointe Montuk que j'ai approchée jusque par les 6 brasses d'eau. La crainte de compromettre la frégate m'a fait lever chasse. Si les vents n'avaient pas calmé, je m'en serais infailliblement emparé, ce qui aurait décidé la question de l'avantage de cette rencontre.

    Ce combat a duré 1 heure 1 /2, toujours à demie portée de fusil. J'ai eu 10 hommes tués roides et 37 blessés. Je pense que la frégate ennemie a perdu beaucoup plus de monde, mes canonniers ayant constamment tiré à plein bois. Je l'ai pour cette raison, peu dégréée, le plus grand désordre ayant par contre, été porté dans mes voiles et dans mes manœuvres.

Cette frégate portait du 12 en batterie et du 9 sur ses gaillards. Elle avait une mousqueterie bien servie. J'ai tiré dans ce combat, 260 coups de canon, 140 coups de pierriers et 1 280 coups de fusil et d'espingole.

        Etat des tués et blessés dans le combat :

 

    Joseph Motay, aide canonnier; chef de la première pièce à la batterie;

    Pierre Colin, quartier maître; sur le gaillard d'arrière à la manœuvre;

    Léon Metreau, matelot; à la première pièce à la batterie;

    Jean-Baptiste Careau, matelot; sur le gaillard d'arrière;

    Pierre Leneau, matelot; sur le gaillard d'arrière;

    Jean Laroche, matelot; sur le gaillard d'arrière;

    Mathieu Bruneau, matelot; sur le gaillard d'arrière;

    André Chain, matelot; sur le gaillard d'arrière;

    Jean Dumeau, mousse; sur les passavants;

    Jean Bernard, mousse; à la batterie.

 

    10 tués………….  37 blessés"

A bord de l'Hermione, on relève les blessés. La frégate est très dégréée, mais un seul boulet a traversé la coque. La voie d'eau est rapidement obturée. Une voilure de fortune est rétablie. (Pour lire les lettres envoyées par Latouche à son Ministre et au commandant anglais de l'Iris cliquez ici.)


 

 Portdebrest

 

Arrivée de l’Escadre 

du comte de Ternay et de Rochambeau

 ayant appareillé de Brest le 2 mai 1780

  

Mardi 11 juillet 

  

   " A 5 heures après midi, la brise étant venue du large, la flotte des transports est entrée   au nombre de 30 voiles précédées et suivies par la frégate la Surveillante de 32 canons,   commandée par Mr le chevalier de Cillard, capitaine de vaisseau, et le vaisseau le Fantasque de 64 armé en flûte, commandé par un officier auxiliaire. Cette flotte a été mouillée entre l'île Race et l'île Hope. A 6 heures du soir, sont entrés les vaisseaux de guerre suivants :

         - Le Duc de Bourgogne de 80 canons, commandé par Mr le Chevalier de  Ternay, chef d'escadre;

         - Le Neptune de 74 canons, commandé par Mr Destouches, capitaine de  vaisseau;

         - Le Conquérant de 74 canons, commandé par Mr de la Grandière, capitaine de vaisseau;

         - L'Eveillé de 64 canons, commandé par Mr de Tilfy, capitaine de vaisseau;

         - La Provence de 64 canons, commandé par Mr de Lombard, capitaine de  vaisseau;

         - Le Jason de 64 canons, commandé par Mr de la Clocheterie, capitaine de vaisseau;

         - L'Ardent de 64 canons, commandé par Mr de Marigny, capitaine de vaisseau;

J'ai salué le général de trois "Vive le Roi" et je me suis mis à sa disposition."

 

A partir de juillet 1780, l’Hermione accomplit seule ou en compagnie des frégates la Surveillante ( Mr de Cillard ) rendue célèbre par son combat avec le HMS Quebec le 7 octobre 1779, ou de l’Amazone sous le commandement de M . de La Pérouse, et ensuite avec l'Astrée, toutes les tâches qui incombent aux frégates : accompagnement de convois, contrôle du trafic maritime, entretien et réparations sur la frégate elle-même, remise en état des installations portuaires, installation de batteries à terre, sondage, réapprovisionnement, portage des dépêches,  échange de prisonniers.  

Dimanche 29 octobre  

"A 9 heures 1 /2, j'ai eu connaissance d'une voile de l'avant de nous. J'ai fait préparer la batterie et j'ai serré l'Amazone près de laquelle ce bâtiment que j'ai reconnu à trois mâts, passait à bord à contre. Les trois frégates ont pris les amures sur tribord et l'Amazone se trouvant la plus près de lui, a tiré dessus ce bâtiment, quatre coups de canon qui l'ont fait diminuer de voiles. La Surveillante m'a crié d'envoyer un capitaine et un équipage à cette prise qui s'est trouvée être le Philippe de New-York, venant de Porto chargé de vins et de fruits, allant à New-York, montant 16 canons de 4 £ et 28 hommes d'équipage partis de Porto depuis six semaines. J'ai envoyé à bord, 11 hommes pour le manœuvrer. La Surveillante y a envoyé 8 hommes. J'ai resté en travers pour amariner cette prise." 

 

Campagne américaine de 1781

 

    Le commandant de l’Hermione poursuit sa mission au service des Américains. Durant la bataille du Cap Henry, la frégate est là pour relayer les signaux et porter les ordres.

 

MahanCapeHenry

 

       Jeudi 1er mars

Les vents au N.E., joli frais. Dans la matinée, on a signalé deux voiles qui sont entrées dans l'après-midi. Ce sont deux corsaires américains, un venant de New London et l'autre de St Domingue en 18 jours. On a appris l'arrivée de la frégate du Roi l'Astrée de 40 canons, commandée par Mr de La Pérouse, capitaine de vaisseau, venant de France en 66 jours, chargé de dépêches de la Cour et d'argent pour l'armée.

 

 

Vendredi 16 mars: Bataille du Cap Henry

 

"A minuit et demi, le général a fait signal de virer vent devant, tous en même temps. A 1 heure, j'ai pris les amures sur bâbord, le cap au N.O, les vents à O.S.O. petit frais. A   2 heures, le Conquérant a un peu arrivé  pour rallier le général. J'ai suivi ses mouvements. Au jour, j'ai eu connaissance d'un bâtiment au vent que j'ai signalé au commandant. Peu après, l'ayant reconnu frégate, je l'ai signalé au commandant qui m'a fait celui de pincer le vent et de l'aller reconnaître. J'ai fait de la voile en conséquence. Peu après, l'ayant reconnu pour frégate ennemie, je l'ai signalé au commandant qui a fait signal à l’Eveillé de chasser.  A 7 heures, j'ai découvert sept voiles de l'arrière que j'ai signalé. L'Ardent a fait le même signal et y a ajouté celui d'une escadre. Le général a fait signal aux bâtiments chasseurs de rallier. L'Eveillé ayant exécuté  le signal, j'ai fait de même. Le général a fait signal à 8 heures, de se mettre en bataille, les amures sur bâbord. La frégate ennemie a viré de bord et a tiré plusieurs coups de canon de distance en distance, larguant ses écoutes de perroquet. Les vents qui s'étaient tenus jusqu'alors à Ouest et à O.N-O., ont passé au Nord et N.N-E, bon frais, le temps sombre et brumeux. Par ce  changement de vent, nous nous sommes trouvés au vent des ennemis que nous avons aperçu dans une éclaircie sous le vent, au nombre de 11 voiles dont huit vaisseaux à deux batteries et trois frégates seformant en ligne sur celle du plus près bâbord. A 8 heures 1 /4, notre ligne de bataille était presque formée. Le général a fait signal pour faire virer l'escadre vent devant par la contremarche. En donnant vent devant, la vergue du grand hunier de l'Ardent a cassé; le même accident est arrivé au vaisseau l'Eveillé. Ces deux bâtiments ont travaillé à réparer ce malheur. A 9 heures 1 /4, la ligne de bataille a été formée sur la  ligne du plus près tribord, le cap au N.O. 1 /4 N. A 10 heures, le général m'a fait signal de passer à poupe. J'ai arrivé sur lui. Il m'a dit qu'il n'avait pas d'ordre à me donner pour ce moment mais que je me tienne dans ses eaux. A 10 heures 1 /2, il a fait le signal de virer de bord vent devant par la contremarche mais le ventfraîchissant, il a annulé ce signal et a hissé celui de virer de bord lof pour lof par la contremarche. J'ai demandé la permission au général d'occuper pendant le combat, le poste de la Surveillante par son travers. Cette frégate ayant été chargée d'une commission particulière, il me l'a accordée. En conséquence, j'ai manœuvré pour rester par son travers au vent A 11 heures, la ligne de bataille s'est trouvée formée sur la ligne du plus près bâbord. A la même heure, l'Ardent a eu l'avarie de sa vergue réparée. A 11 heures 1 /4, le général a fait signal au Fantasque d'arriver vent arrière, ce vaisseau étant constamment tenu trop au vent. A 11 heures 1 /2, nous avons découvert une voile au vent que cru être la Surveillante. J'ai en  conséquence, mis mon numéro pour lui  faire connaître quelle place était la sienne,  mais ce bâtiment s'étant un peu rapproché,   j'ai reconnu au gréement que c'était une  frégate des ennemis qui a tenu le vent. Le  temps se soutenant très brumeux, je l'ai  bientôt perdue de vue. A 11 heures 3/4, le   général a fait signal de serrer la ligne et à  midi, celui de forcer de voiles à la seconde  division. A 1 heure 10 minutes, le général a  fait le signal de virer lof pour lof par la contremarche et au vaisseau de tête, d'arriver de quatre quarts, les ennemis étant sur le point d'atteindre notre arrière-garde. A l'exécution de notre manœuvre, ils ont fait porter, chaque vaisseau de leur ligne arrivant sur celui qui lui était opposé dans la nôtre. A 1 heure 35 minutes, le premier vaisseau de la ligne ennemie a fait feu sur le Conquérant,premier vaisseau de la nôtre qui lui a riposté avec vivacité. Le combat s'est successivement engagé dans toute la ligne, le feu très vif de part et d'autre. Le Conquérant a soutenu le feu de plusieurs  vaisseaux à la fois et a fait le plus beau feu.  A 1 heure 3/4, le général a fait signal au vaisseau de tête de tenir le vent. Le général s'est battu contre l'amiral anglais et le London de 98. Le combat a continué jusqu'à deux heures que le feu des Anglais a commencé à diminuer, ayant plusieurs de leurs vaisseaux désemparés, entre autres, l'amiral qui avait sa vergue de grand hunier coupée et toutes ses voiles à culer. Un de leurs vaisseaux est arrivé vent arrière, paraissant avoir beaucoup souffert. C'est celui qui a commencé le combat. A 2 heures 25 minutes, le général a fait signal d'arriver  lof pour lof et de se mettre en bataille sur la ligne du plus près bâbord, les vents au N.E. Ce mouvement a été exécuté avec autant de justesse que de promptitude et par cette  habile manœuvre, l'ordre a été rétabli au moment où la chaleur du combat et les  manœuvres forcées par celles des ennemis, avaient jeté un peu de confusion dans notre ligne, comme il y avait la plus grande dans la leur. Les ennemis s'étant rassemblés en pelotons, toutes leurs voiles sur le mât et dans le plus mauvais ordre, à 2 heures 3/4, le général a fait signal au vaisseau de tête d'augmenter de voiles. Il avait fait précédemment, celui de se mettre en bataille comme on se trouvait, sans avoir égaré à l'ordre de bataille ordinaire. A 3 heures, le Conquérant a fait signal que son gouvernail était endommagé au point de ne pouvoir se réparer à la mer et qu'il était hors d'état de continuer le combat A 4 heures, le général a fait signal d'arriver au S.E. il m'a donné ordre peu après, d'aller m'informer du Conquérant; quelles étaient ses avaries. J'ai   manœuvré pour aller parler à ce vaisseau qui s'est borné à me dire qu'elles étaient des plus considérables. J'ai vu en effet, les pompes de ce vaisseau jouer. J'ai rallié le général et lui ai rendu la réponse du Conquérant. Il m'a donné ordre d'aller m'informer de l'état du vaisseau l'Ardent. J'ai manœuvré pour cela et j'ai parlé à ce vaisseau   ainsi qu'à l'Eveillé et au Romulus pour connaître le détail des avaries de ces vaisseaux. J'ai arrivé sur le général pour lui rendre compte et je me suis remis à deux encablures par son travers, gouvernant au S.E, les vents au N.E bon frais, le temps pluvieux et très obscur.   Depuis hier, la route m'a valu l'Est 2° Nord. Chemin : ... Latitude estimée : 37° 21'. Longitude assurée : 77° 33', ce qui me met dans l'E. 1 /4 N.E du cap Charles, à la distance de 16 lieues, champ de bataille du combat. On a observé que la frégate que j'ai aperçue au vent a rallié son escadre pendant le combat et qu'ils étaient douze voiles dont huit vaisseaux de guerre. A la nuit, le commandant a allumé ses trois feux de poupe. Les chefs de la seconde et troisième   division en ont fait autant. Toute la nuit on a gouverné au S.E sous petites voiles."

 

Lundi 19 mars 1781

 

"Les vents de la partie de l'O.S.O petit frais, le temps beau, la mer belle. Au jour, j'ai eu  connaissance d'une voile de l'avant. Je l'ai signalée au commandant qui m'a ordonné  de chasser. L'Eveillé a reçu le même ordre. Nous avons mis l'un et l'autre, toutes voiles dehors gouvernant au N. 1 /4 N.O et N.N.O. A 11 heures, le vent fraîchissant au S.O, j'ai approché sensiblement ce bâtiment que j'ai reconnu à trois mâts. J'ai fait signal au général que j'avais espoir de joindre le bâtiment chassé. L'Eveillé a fait le même signal. ……….. A 2 heures 1/2,j'ai reconnu le bâtiment que je chassais pour un navire marchand anglais qui a arboré son pavillon. J'ai envoyé le mien et lui ayant tiré un coup de  canon de chasse, il a amené. J'ai envoyé mes canots à bord pour l'amariner, le vaisseau l'Eveillé étant fort de l'arrière. Ce bâtiment se nomme l'Union de 210 tonneaux, capitaine Libéral, venant des Bermudes, allant à New York chargé de mélasse, parti depuis neuf jours, montant douze canons et quelques pierriers, ayant 17 hommes d'équipage, neuf Américains prisonniers et quatre officiers anglais passagers, quatre soldats et trois femmes. L'Eveillé a mis en travers sous le vent à moi. Je lui ai rendu compte de la prise; il a envoyé un capitaine de prise et 10 hommes. Il m'a donné ordre d'y en envoyer sept ce que j'ai fait et l'amarinage de la prise étant fait, j'ai gouverné sur l'escadre que j'ai ralliée à 6 heures."

En juin 1781, les forces américaines et françaises se rejoignent à Phillipsburg. En juillet, Washington et Rochambeau constatent que le manque d'appui naval et de troupes empêche une attaque sérieuse contre les positions britanniques à New York. 


 

Samedi 21 Juillet 1781

Combat de Louisbourg  

                                                                       

L’Hermione se trouve alors en croisière avec l’Astrée commandée par M. de La Pérouse, nommé capitaine de vaisseau le 4 avril 1780. Le 21 juillet 1781, en vue de l’île de Sacatari la vigie découvre plusieurs voiles. A 10 heures est reconnue une flotte de 18 à 20 voiles dont trois se détachent immédiatement du convoi. 

 

"A 3 heures, l’Astrée m’a hélé de gouverner au N.E. A 8 heures, pris les amures sur tribord , le cap au S.S.O, les vente à l’Ouest petit frais. A 9 heures 1 /2, on a découvert du haut des mats, plusieurs voiles qui doublaient l'île de Sacatari. A 10 heures  on les a reconnues pour une flotte de 18 à 20 voiles dont trois se sont détachées pour venir nous reconnaître. Nous avons gouverné au plus près du vent , les amures à tribord. A midi et demi, nous avons diminue de voiles. Le bâtiment le plus près de nous étant venu en travers, nous avons reconnu une frégate percée à 12 sabords en batterie et les deux autres pour une de 20 à 22 et de 14 à 16. Mr de La Pérouse a cherché à les induire en erreur par des signaux de reconnaissance. A midi, j'avais relevé le cap Nord au N.O. 1 /4 N, une des pointes de l'entrée de la baie des Espagnols au S.O. 1 /4 S. A 1 heure 1/2, la frégate ayant été ralliée par les deux autres qui venaient vent arrière tandis que le convoi filait le long de la terre, a fait servir toutes voiles dehors, tenant le plus près du vent, les amures à bâbord. Nous avons chassé et forcé de voiles sur le même bord, étant à 3/4 de lieue du plus près de ces trois bâtiments. A 4 heures 1/2, leur ayant gagné de l'avant, nous avons viré de bord, les amures à tribord. Dans le même moment, ils se sont aussi, mis au même bord. A 5 heures,nous avons repris les amures sur bâbord, dirigeant notre route sur le convoi qui était dispersé, dont partie tenait le vent, les amures à tribord et les autres donnaient dans la baie des Espagnols. Deux qui étaient armés ont manœuvré pour se réunir aux trois autres qui avaient pris la bordée de terre aussitôt qu'ils se sont aperçus que nous l'avions prise. Quand nous avons été dans les eaux des deux derniers, nous avons viré de bord pour tâcher de les couper. Alors, la frégate et les deux autres bâtiments les plus en avant, ont mis en travers pour les attendre et lorsqu'ils ont été joints, ils ont formé leur ligne de bataille comme il suit :

         - L'Allégeance; 24 canons de 9 £, capitaine P.

         -Le Vernon; 24 canons de 9 £;

         - Le Charlestown; 28 canons de 9 £ et de 6 £, capitaine Evens;

         - Le Vulture; 2,0 canons de 9 £, capitaine George;

         - Le Jack; 14 canons de 9 £, capitaine Thom;

        - Le Thompson; 18 canons de 9 £. Ce vaisseau s'est tenu au vent pendant le combat, à toute portée de canon.


Nous avons forcé de voiles pour les joindre. A 6 heures 1 /4, j'ai passé en arrière de l'Astrée pour me mettre au poste qu'elle m'avait indiqué. A 6 heures 1/2, le combat a commencé par le feu de nos bordées, avec les bâtiments de l'arrière. Marchant mieux que l'Astrée, je l'ai doublée sous le vent et je me suis trouvé par ce moyen, par le travers de la Charlestown que la vivacité du feu de  l'Astrée forçait à gagner de l'avant pour se faire soutenir par l'Allégeance et le Vernon. J'ai battu cette frégate de tout mon feu pendant plus d'une demie heure, qu'elle a été obligée de mettre tout à culer. "

"Je recevais avec son feu, celui des deux premiers  bâtiments qui m'ont beaucoup dégréé. Après quelques coups de canon tirés de très près au Jack qui se trouvait par mon travers, ce petit bâtiment a amené son pavillon. Peu après, la frégate la Charlestown en a fait autant à l'Astrée qui venait de lui abattre son grand mât de hune, mais cette frégate étant encore soutenue par le feu de trois bâtiments, il n'a pas été possible de l'amariner. J'ai continué à combattre contre le Vernon et l'Allégeance mais qui tenaient le vent avec tout ce qu'ils pouvaient mettre dehors. L'Astrée ayant pris les amures sur l'autre bord, j'ai viré également pour la rallier."

"Étant à portée de la voix, elle m'a crié que pendant qu'elle amarinait le Jack, de faire tous mes efforts pour suivre la Charlestownqui s'éloignait et de l'amariner si je pouvais la joindre, mais n'ayant pas ma manœuvre courante qui me fût coupée, je n'ai pu faire toute la voile qu'il était nécessaire pour y parvenir, ma mâture étant également très offensée. A 10 heures, j'ai perdu de vue la frégate que je chassais, la nuit étant devenue très obscure. A 10 heures 1 /2, j'ai été joint par l'Astrée. J'ai pu alors amurer ma grande voile et border mon grand hunier, tous les ris pris et amené sur le ton, mon grand mât de hune étant percé de trois boulets à cinq pieds du chouquet. A minuit, nous avons mis en travers tribord au vent, les vents au S.O gros frais, ayant un feu à la poupe pour servir de direction à la prise. Ce combat a duré deux heures. Je n'avancerai rien que de vrai en disant que si le combat eut commencé deux heures plus tôt, que tous ces bâtiments tombaient en notre pouvoir, leur feu étant presque éteint. Ils ont dû perdre  beaucoup de monde, particulièrement la frégate la Charlestown qui, quoique soutenue par le feu de trois, a été obligée d'amener son pavillon mais que l'obscurité de la nuit nous a empêché d'amariner. J'ai retrouvé dans mes officiers et dans tout mon équipage, cette même valeur dont ils m'avaient donné des preuves dans le combat de l'Iris l'année dernière. J'ai eu trois hommes de tués roides, 6 blessés grièvement et 13 légèrement. En tout, 22 hommes de touchés. Le feu a pris deux fois pendant le combat mais il a été éteint dans l'instant. J'ai tiré dans ce combat, 509 coups de canon, 100 de pierriers et 1 700 de fusil ou d'espingoles."

Il existe d'autres sources, aussi bien coté français que coté anglais, où le récit du combat est paru notamment dans " The Royal Gazette"  du 8 décembre 1781.


La Touche voit enfin arriver l’escadre de De Grasse et les troupes françaises. Les officiers généraux Américains et Français vont mettre au point la première opération conjointe "terre-mer".

 

La bataille décisive

de Yorktown

 

La flotte de l'amiral François de Grasse arrive à l'entrée de la baie de Chesapeake le 30 août 1781 avec 3 000 militaires. Alors qu’il débarque armes et renforts, l'amiral de Grasse est surpris par l'amiral Grave, de la Royal Navy.( bataille de la Chesapeake, 5 septembre 1781 )

De Grasse lève rapidement l'ancre et engage la flotte anglaise. Cinq des navires anglais sont très maltraités. Puis le vent tourne, passe au nord-est, et force brutalement. Aussitôt la flotte anglaise fait porter largue et s'échappe.

Washington décide immédiatement d'attaquer Cornwallis à Yorktown (Virginie).  Les hommes et l'artillerie de Washington et de Rochambeau se dirigent à marche forcée vers le sud. Le 14 septembre 1781, ils arrivent à Williamsburg, en Virginie, pour rejoindre un petit contingent des forces américaines dirigé par le marquis de La Fayette. Le 28 septembre, Rochambeau atteint Yorktown, avec 6 000 hommes. Ils y sont rejoints par d'autres forces expéditionnaires françaises sous le commandement du marquis de Saint-Simon. 16 000 Français et Américains entament le siège de Yorktown contre les Anglais du Général Cornwallis. La flotte de l'Amiral de Grasse complète le blocus.

Jusqu'au 10 septembre, l'Hermione est à Boston pour réparer ses avaries; elle arrive donc trop tard pour prendre part à la bataille de la Chesapeake, mais participe au siège de Yorktown.

          Vendredi 28 septembre

"A 2 heures, j'ai reconnu les deux voiles en vue pour deux frégates qui tenaient le plus près. Lorsque j'en ai été à une lieue 1 /2. j'ai mis en travers et j'ai fait des signaux de reconnaissance auxquels elles ont répondu. J'ai fait porter sur elles en mettant mon numéro. Peu après, elles ont mis le leur. J'ai su par ce moyen que c'étaient les frégates la Concorde et la Surveillante. A 6 heures, je les ai ralliées, j'ai mis mon canot à la mer et je me suis rendu à bord de la Concorde. J'ai appris que l'escadre de Mr de Barras s'était réunie à l'armée de Mr le comte de Grasse le 7 de ce mois, que cette dernière était arrivée le 29 d'août, que les frégates anglaises l'Iris et le Richmond de 32 canons avaient été prises ainsi que plusieurs autres bâtiments dont le nombre se monte à 10, que le lord Cornwallis s'était retranché dans la ville d'York dont on allait commencer le siège, que l'armée navale était mouillée à l'embouchure de la rivière d’York. J'ai fait route  avec ces frégates pour l'entrée de la baie. A 9 heures, elles ont pris le bord du large pour aller reprendre leur faction et me trouvant par 9 brasses 1 /2, fond de vase, j'ai pris le parti de mouiller pour attendre le jour. J'ai relevé la pointe du N.O du cap Henry au S.S.E. à 2/3 de lieue de distance.  J'ai fait filer 30 brasses de câble."

Lundi 16 octobre

Les vents au S-O. joli frais. J'ai affourché avec une petite ancre. On a continué à faire de l'eau. On a enlevé hier au soir, deux redoutes des ennemis l'épée à la main, dans lesquelles on a fait environ 60 prisonniers; il y en a eu à peu près 30 tués. Notre part a été de 80 hommes tués et blessés et les Américains ont perdu 37 tués ou blessés. Les batteries de la seconde parallèle ont commencé à jouer.

Mercredi 17 octobre

On a appris aujourd'hui que les ennemis dans l'avant dernière nuit, avaient fait une sortie au nombre de 600 hommes, qu'ils se sont emparés d'une redoute gardée par 50 hommes dont partie a été tué et fait prisonnier. Ils ont encloué quatre pièces de canon mais ayant été chargés à leur tour, ils se sont retirés dans la plus grande confusion en laissant 19 des leurs sur la place. Les canons ont été désencloués deux heures après. 

 Les Anglais capitulent ce 17 octobre 1781 consacrant ainsi la victoire de Révolution américaine.

         Vendredi 19 octobre

"Les articles de la capitulation des places d'York et de Gloucester ont été signés ce matin à 10 heures. Sur le champ, deux redoutes des ennemis ont été occupées par nos troupes et celles des Américains. A 2 heures, l'armée du lord Cornwallis au nombre de 3 600 hommes d'infanterie, est sortie de la ville pour aller mettre bas les armes suivant l'article de la capitulation, au bout de deux lignes formées par l'armée française et celle des Américains. Après avoir subi cette condition, les troupes anglaises sont rentrées sans armes dans la place pour y demeurer jusqu'au moment où elles seront conduites par les milices américaines dans les Etats de Pennsylvanie, Maryland et Virginie. La garnison de Gloucester au nombre de 90 hommes environ, en a fait autant à la même heure. La somme totale des troupes anglaises prises à York et à Gloucester se monte à peu près à 5 000 hommes sans y comprendre 800 hommes tant tués que blessés pendant la durée du siège qui a été de 11 jours de tranchée ouverte. On évalue à 600, le nombre des tués et blessés de l'armée française et américaine. On s'est emparé de plus de 1 200 matelots anglais et de 40 bâtiments de transport dont la plupart ont été coulés par les ennemis pendant le siège. Ils ont également coulé bas, la Guadeloupe, frégate de 28 canons. La seule frégate le Fowey n'a pas été endommagée. On a pris 22 drapeaux à l'ennemi, 175 canons, 8 mortiers et obus."

La victoire de Yorktown a pour conséquence le Traité de Versailles qui sera signé en 1783, et l’Indépendance des treize colonies britannique qui deviennent les Etats-Unis d’Amérique.

        Vendredi 7 décembre 1781

"Les vents à Ouest, variables à O-N.O. joli frais. J'ai appareillé au jour, gouvernant au N-E. par 5 et 6 brasses, fond de vase. A 10 heures, l'eau a diminué tout à coup de 4 à 3 brasses et j'ai échoué ainsi que le bâtiment hollandais, sur un fond de sable vasard. Ayant sur le champ, fait passer beaucoup de poids de l'avant pour me remettre à un tirant d'eau égal, j'ai été à flot peu de moments après et je me suis retrouvé par 5 et 6 brasses. J'ai mis en travers pour attendre le bâtiment hollandais dont j'avais été forcé de larguer la remorque. L'ayant reprise, j'ai pu servir, le cap au N.B. A 11 heures, l'île Pools me restant au N. 1 /2 E. et la pointe Swan au S-S.E., la frégate a touché et s'est accostée le côté de tribord sur un banc d'huîtres, ayant 3 brasses 1 /2 sous la quille et 2 brasses 1 /2 sur le côté de tribord et 4 brasses de l'arrière. Dans le même moment, le vent ayant fraîchi de la partie du N-O., ce qui tendait à nous faire toucher davantage, j'ai fait crier au bâtiment hollandais de mouiller et j'ai envoyé une ancre à jet et un grelin, d'après l'avis d'un pilote américain que j'ai envoyé prendre dans une goélette qui passait. Après avoir consulté celui que j'ai à bord, ils se sont décidés à envoyer cette ancre à jet dans l’œil du vent pour parvenir à faire éviter la frégate debout au vent mais le vent étant trop fort, je leur ai fait représenter que cette manœuvre ne me paraissait pas devoir avoir l'effet qu'ils se proposaient et je leur ai fait dire qu'il me paraissait plus convenable de la porter en arrière, ce qui faciliterait à la frégate de se déséchouer plus promptement Mais ayant insisté sur la première de ces manœuvres, l'ancre a été portée au N-O., mais l'ancre a chassé en la  virant et les pilotes ont été forcés de revenir au moyen que j'avais proposé, mais le vent étant trop fort, j'ai pris le parti d'attendre qu'il ait calmé. A 8 heures du soir, j'ai fait porter l'ancré à jet dans l'O-S.O. par 4 brasses, fond de vase. A 10 heures, la frégate a été totalement à flot. J'ai mouillé par 5 brasses, fond de vase. Pools Island au Nord, la pointe Beacon au N-N.E."


Retour en France

Lundi 25 février 1782, 

"Au jour, j'ai eu connaissance de la tour des Baleines restant à l'E. 1 /4 S.E. J'ai gouverné au S.E. Peu après, j'ai vu la tour de Chassiron restant au S.E. 1 /4 Sud, étant en dedans. Les vents ont passé au Sud, ce qui m'a forcé de courir plusieurs bordées pour gagner le mouillage de l'île d'Aix où j'ai laissé tomber l'ancré par 10 brasses, fond de vase. J'ai débarqué tout de suite pour me rendre à la Cour."

   

De retour en France, l'Hermione est désarmée à Rochefort. Elle repart en juillet pour rejoindre l’escadre de Suffren aux Indes. La paix signée, le navire retourne à Rochefort en avril 1784. La  République a remplacé la Royauté. Le 31 mars 1793, l'Hermione appareille sous le commandement du capitaine de Vaisseau Pierre Martin.

 Naufrage

 

"Aujourd'hui vingt septembre mille sept cent quatre vingt treize l'an 2ème de la République française une et indivisible, la frégate l'Hermione commandée par le citoyen Martin Capitaine de Vau est appareillé de Mindin dans la rivière de Nantes pour se rendre à Brest avec un convoi d'après l'ordre qu'il en avait reçu du Ministre. Le 7 duduit mois le vent étant au NE petit frais le pilote de la rivière quitta la frégate lorsqu'il fût en dehors de la roche le Charpentier. Il la remis entre les mains du citoyen Guillaume Guillemin pilote côtier de la frégate et provenant du bâtiment le Phénix qui avait relevé l'Hermione à la station de Mindin. Le vent était du NE variable au N.N-E., nous étions au plus près tribord amures sous le petit hunier et le perroquet de fougue pour entretenir un convoi de 12 bâtiments que je devais mettre devant Brest. A 6 heures du soir on fit un relèvement. Le pilote côtier y assista et ce fut lui même qui donna le nom des pointes qu'on ne connaissait pas. A 6 h.1/4 un grand bâtiment du convoi qui se trouvait derrière la frégate vira de bord. Je demandais au pilote pourquoi ce bâtiment virait et s'il y avait du danger à craindre sous le vent. il me répondit que non. Dix bâtiments du convoi étaient de l'avant de la frégate. Lorsqu'on cria brisants sous le vent le pilote assurait que ce n'était pas des brisants mais la force du courant qui faisait cet effet...... A 8 heures du matin la mer se trouvant au 2/3 basse la frégate a donné de la bande dans un instant avec une vitesse incroyable et dans ce mouvement rapide et s'est crevé totalement le coté de tribord. J'ai continué à faire travailler à sauver tous les effets de conséquence qui se trouvaient possible et de les faire transporter à bord du chasse marée ou nous avons été prévenus que si les vents passaient à l'ouest avec force il serait possible dans la position ou se trouvait la frégate qu'il périrait beaucoup de monde. A la basse mer la frégate nous a paru totalement crevée. L'équipage s'est décidé avoir de l'abandonner et a passé sur les chasse-marées qu'on nous avoient envoyé du Croisic. J'ai abandonné le bâtiment à 10 heures du matin le dernier avec le maître d'équipage qui a donné trois coups de sifflet pour s'assurer qu'il ne restait plus personne à bord. Je n'ai que le meilleur témoignage à rendre de l'Etat Major et des principaux maîtres et de tout l'équipage qui se sont tous portés avec le plus grand zèle la plus grande activité à exécuter les ordres que j'ai donné jusqu'au moment ou nous avons abandonné la frégate.
 On ne peut attribuer qu'a l'ignorance du pilote côtier la perte de la frégate qui parait infaillible. Malgré tout ce que j'ai pu lui dire il m'a donné toutes les raisons qu'il s’était trompé et qu'il ne se croyait pas aussi près du Four. Je l'ai amené à terre avec moi et l'ai remis entre les mains du juge de paix avec une dénonciation par écrit par laquelle je demande que ce pilote soit interrogé publiquement devant tout mon équipage et le public du Croisic, afin qu'il soit constaté juridiquement que c'est par sa faute seulement que la frégate a été mise à la côte.

En foi de quoi, nous avons clos et arrêté le procès verbal signé du nom de l'Etat-major et de ceux de l'équipage qui savaient écrire."

Texte tiré du dossier rédigé par le Centre International de la Mer, La Fayette et l'Hermione, Rochefort, 1992.

          

L’épave de l’Hermione a été retrouvée et est aujourd’hui visible au large du Croisic (fouilles archéologiques).

En l’honneur de l’Hermione, la ville de Rochefort a décidé de reconstruire à l’identique cette frégate. Elle devrait dans les prochaines années refaire le trajet qu’elle a fait ces années 1780-1782, sous le commandement de Mr de Latouche. (Rochefort)